La voix du peuple américain
Les nouvelles les plus importantes ne font pas toujours les manchettes, et certains moments historiques passent parfois inaperçus. C’est notamment ce qui s’est produit la semaine dernière.
Pendant que les médias s’extasiaient devant Bo, le nouveau chien de la famille Obama, et qu’ils ne tarissaient pas d’éloges pour le potager bio et le style vestimentaire de la première dame des États-Unis, ils ont négligé de rapporter que plus d’un demi-million d’Américains sont descendus dans les rues le 15 avril dernier. Et quand l’événement a été couvert, c’était pour en minimiser l’importance ou pour le ridiculiser.
Pourtant, un soulèvement qui se produit moins de trois mois après l’assermentation d’un nouveau président est un événement exceptionnel qu’on peut difficilement qualifier de futile. Et le comble du ridicule, n’est-ce pas justement de s’émerveiller devant un chien pendant que le peuple grogne?
Dans un mouvement spontané, des Américains de toute allégeance politique et de tout milieu ont organisé dans quelque 400 villes à travers les États-Unis des Tea Parties: des manifestations qui tiennent leur nom du Boston Tea Party de 1773 au cours duquel les colons s’étaient élevés contre les taxes imposées par l’Empire britannique. Mais penser que les événements de la semaine dernière visaient à protester contre les impôts, le parti Démocrate ou contre Barack Obama, c’est bien mal comprendre l’âme de l’Oncle Sam.
L’Amérique n’est pas devenue une grande puissance économique grâce à des politiques interventionnistes et à des dépenses stratosphériques, et ça, le peuple en est conscient. Il croit que l’État doit être au service du peuple, et non l’inverse. Il se révolte donc contre la trajectoire que la nouvelle administration veut imposer.
Il conteste le gaspillage monumental et éhonté de fonds publics. Il se dresse contre les membres du Congrès qui ont accepté de dépenser 787 milliards $ en faveur d’un plan de relance de 1000 pages qu’ils n’ont jamais lu. Il est horrifié face à la dette de 12 800 milliards que l’Amérique a contractée en moins de six mois, et il entrevoit déjà le moment où il faudra alourdir la fiscalité pour répondre aux nouveaux engagements. Il n’apprécie ni le contrôle politique de la société civile ni l’intrusion de l’État dans le milieu corporatif. En somme, il réalise que la tangente franchement socialiste de la nouvelle administration est en train de tuer le rêve américain, et il s’inquiète. C’est compréhensible!
En réponse aux Tea parties, Obama a annoncé lundi qu’il réduirait les dépenses de 100 millions. C’est à peine 0,003% du budget! Certains y voient un pas dans la bonne direction. J’y vois plutôt une marque de mépris envers l’intelligence des contribuables qu’il croit pouvoir endormir avec une mesure insignifiante.
Néanmoins, Obama n’a pas de souci à se faire dans l’immédiat puisqu’il bénéficie encore de la majorité des votes. Mais si son leadership est déjà contesté alors que les effets pervers de ses mesures ne se font pas encore sentir, comment les Américains réagiront-ils lorsque la politique monétaire débridée aura généré une douloureuse inflation qui les appauvrira? Comment Obama contiendra-t-il la colère des contribuables quand il devra augmenter les impôts? Et comment défendra-t-il ses décisions quand les Américains réaliseront que sa révolution socialiste n’a rien donné, si ce n’est une dette colossale?
J’ai récemment écrit que la nouvelle administration fera de l’Amérique une république de bananes. Mais vu les événements de la semaine dernière, j’ai maintenant espoir que la métamorphose rencontrera de la résistance!
Nathalie Elgrably-Lévy is Senior Economist at the Monreal Economic Institute.
* This column was also published in Le Journal de Québec.