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Les 12 travaux de M. McCain

C’est sans surprise que Michael McCain, le président des Aliments Maple Leaf, a été choisi la personnalité canadienne qui a le plus marqué l’actualité économique en 2008. La performance de M. McCain durant l’épisode de la listériose, il y a quelques mois, a été sans faille, du moins si l’on en croit les résultats d’un sondage mené par La Presse Canadienne.

Jusqu’à l’été dernier, la feuille de route de Maple Leaf en matière de salubrité alimentaire était pour ainsi dire irréprochable et son titre se transigeait à un prix enviable de 15$ l’action. Toutefois, au mois d’août, la listériose frappe de plein fouet son usine de Toronto. Plusieurs analystes ont dit, à ce moment-là, que les Aliments Maple Leaf, le plus gros transformateur alimentaire canadien, était en train de vivre la pire crise de son histoire. Le bilan des décès causés par l’ingestion de ses produits de viande prêts-à-manger contaminés à la listériose s’est alors établi à 28. Sans compter plus de 5000 personnes intoxiquées par ces mêmes produits. En août dernier, Maple Leaf retira 220 produits des épiceries partout au Canada. En même temps, un recours s’organisait contre Maple Leaf et l’action plongeait à 6,54$.

L’entrée en scène du dirigeant de Maple Leaf, en août, a dans les faits sauvé les meubles. Faisant preuve d’une compassion sincère et d’une candeur authentique, M. McCain annonçait que sa compagnie était l’unique responsable des dégâts causés par la listériose. Depuis, l’action se transige à plus de 10$, malgré la déconfiture des marchés, et les médias ont reconnu publiquement que la performance de M. McCain fut pratiquement sans faille.

M. McCain a su démontrer que Maple Leaf disposait d’une capacité inouïe de détecter l’entrée en crise, de piloter et coordonner la réaction en un tournemain, et de communiquer à bon escient. Après l’éclosion de la listeriose, il était indispensable d’apprendre et de capitaliser pour transformer l’organisation, et Maple Leaf l’a bien fait. En surface, Maple Leaf, menée par l’éloquence de M. McCain, a très bien exécuté sa stratégie de communication.

Un sens à la crise

Reste que, en examinant en détail la stratégie de Maple Leaf, nous sommes en droit de nous questionner sur la capacité de la compagnie de donner un sens à la crise. Autrement dit, plusieurs questions demeurent sans réponse. Par exemple, deux rappels alimentaires ont été effectués à une semaine d’intervalle. Pourquoi? Pourquoi n’a-t-on pas limité le risque en rappelant l’ensemble des produits la première fois, soit le 17 août? Ce n’est que le 24 août que M. McCain demandait pardon auprès de la population canadienne, sept jours après le premier rappel.

En second lieu, la bactérie à la source de l’éclosion de listériose se serait accumulée sur l’équipement servant à trancher les viandes à l’usine de Toronto. Cet équipement a été transféré récemment en Saskatchewan dans une autre usine de Maple Leaf. En quel honneur? On retrouve plus de 300 de ces machines dans le monde. Qu’en est-il du manufacturier américain de l’équipement en question, la compagnie Formax, basée en Illinois? Formax balaye du revers de la main tout blâme dans cette affaire. Peut-on retrouver d’autres utilisateurs de ces machines ayant subi un sort similaire? Peut-on affirmer avec certitude que d’autres organisations ont appris des mésaventures de Maple Leaf? Les faits sont difficilement trouvables à ce stade-ci.

Le rappel des viandes aura coûté à Maple Leaf plus de 30 millions, en plus de 15 millions en pertes de ventes, selon certains experts. Ce montant est grosso modo l’équivalent du montant des profits déclarés par Maple Leaf l’an dernier. Bien entendu, ce montant n’inclut pas les effets longitudinaux de l’incident sur l’image de marque de la compagnie. Les prochains résultats financiers seront publiés en février et c’est à ce moment que nous réaliserons à quel point la crise aura handicapé Maple Leaf. Mais jusqu’à maintenant, Maple Leaf s’en sort très bien.

Bref, avec cette distinction de La Presse Canadienne, M. McCain et Maple Leaf ont peut-être remporté la bataille cruciale de la perception médiatique. Maple Leaf a compris que la vitesse de diffusion des informations dépasse largement la capacité des entreprises à les traiter. Maple Leaf a aussi compris que la «caméra» doit se braquer sur le dirigeant de l’organisation en crise. Mais une crise est rarement le fait du hasard. Pour convaincre les quelques sceptiques, Maple Leaf devra faire davantage afin de remporter la guerre de la raison.

Sylvain Charlebois is Associate Researcher at the Montreal Economic Institute.

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