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Relance du secteur forestier : pour une nouvelle approche

Chacun sait que le secteur forestier au Québec est vulnérable: une usine sur six a fermé, avec 10 000 emplois bien rémunérés en moins. Pour amortir l’impact d’une telle crise, la réaction habituelle est de réclamer l’aide des gouvernements, qui prend principalement la forme de dégrèvements d’impôts, d’aide à l’investissement et de subventions plus ou moins déguisées conçues pour être tolérées par les contribuables et par les concurrents étrangers dans le cadre des ententes commerciales internationales. Cette approche d’assistance n’a qu’une portée limitée et ne peut sortir de manière durable le secteur forestier du marasme où il est enlisé. Cette industrie pourrait jouer son rôle-clé dans le développement du Québec sans avoir à recourir à des solutions à court terme basées sur des subventions et des réglementations protectionnistes.

Le retour de la compétitivité passera nécessairement par une consolidation des volumes de bois prélevés sur les terres publiques dans les usines les plus rentables. Une augmentation de la taille des principales entreprises du secteur encouragera l’innovation et la hausse de la productivité.

La création d’un marché concurrentiel des produits et services forestiers

La Loi sur les forêts ne permet pas le transfert de bois d’une usine à l’autre sans une autorisation expresse du ministre des Ressources naturelles et de la Faune. Les décisions sont discrétionnaires. On valorise l’autarcie régionale aux dépens de la rentabilité de l’industrie. De telles contraintes freinent la réalisation des économies d’échelle et la hausse de productivité que la consolidation des opérations est susceptible d’apporter. De plus, le ministre est légalement et politiquement empêché de révoquer le contrat d’approvisionnement et d’aménagement forestier (CAAF) d’une usine, même fermée, tant que les délais prévus dans la Loi ne sont pas expirés et même tant que subsiste un espoir de réouverture. Dans le contexte des réductions de récolte décidées par le forestier en chef, la Loi doit être revue. Le gouvernement pourrait la modifier pour permettre au ministre de résilier immédiatement le CAAF des usines fermées.

Selon cette proposition, les territoires forestiers ainsi libérés pourraient faire l’objet d’un nouveau type de contrat, sans lien avec une usine, qui autoriserait son titulaire, en contrepartie d’un loyer annuel et du respect de conditions visant la pérennité des ressources ligneuses et fauniques, à vendre celles-ci sur le marché.

Ce nouveau type de contrat sur les terres publiques favoriserait le développement d’une industrie de l’aménagement forestier distincte de l’industrie forestière traditionnelle, pour laquelle cette activité ne constitue qu’un coût à réduire le plus possible. Cette nouvelle approche permettrait de responsabiliser les entreprises quant à l’aménagement intégré de l’ensemble des ressources forestières. Elle amènerait aussi l’industrie à utiliser les forces du marché pour aider à résorber le vieux conflit d’usage entre les utilisateurs de matière ligneuse, les chasseurs, pêcheurs, campeurs, villégiateurs, amants de la nature et tous les autres utilisateurs de la forêt. En effet, en tentant d’optimiser ses revenus, le détenteur d’un tel contrat serait ouvert à la demande pour chacun des usages tout autant qu’au coût de fourniture de chacun des biens et services de la forêt. En raison des fermetures déjà connues, on pourrait déjà créer un marché de plusieurs millions de mètres cubes de matière ligneuse accessible à toute usine existante ou nouvelle en mesure de payer la valeur de ce bois. Les usines les plus profitables seraient les plus susceptibles d’utiliser cet approvisionnement, puisque ce sont celles dont la marge de manœuvre et les possibilités de développement sont les plus grandes.

À moyen terme, cette proposition contribuerait à rehausser la compétitivité et la résilience du secteur forestier québécois face à une concurrence internationale de plus en plus vive.

André Duchesne, ing.f., is the author of an Economic Note on the crisis in the forestry sector published by the MEI, and former president of the Ordre des ingénieurs forestier du Québec and of the Association des industries forestières du Québec.

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