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La vérité à propos des sweatshops

Avez-vous regardé Fric Show jeudi dernier? L’émission était consacrée aux T-shirts fabriqués dans les sweatshops des pays pauvres. Hélène Pednault, écrivaine, et Atïm Léon-Germain, représentant de la Coalition québécoise contre les ateliers de misère, affirmaient que les multinationales exploitent leurs travailleurs et que nous ne devrions pas cautionner leurs pratiques. Même si le terme «boycott» n’a pas été employé, c’était clairement l’invitation lancée aux téléspectateurs.

Dire que des multinationales emploient une main-d’oeuvre juvénile et que GAP paie 70 cents de l’heure à ses travailleurs n’est qu’une observation au premier degré, une demi-vérité insuffisante pour juger ces firmes. Rien n’oblige les travailleurs à renoncer à leurs occupations pour aller œuvrer pour ces firmes. Si les emplois que les multinationales leur proposent ne leur conviennent pas, ils peuvent simplement les refuser et poursuivre leur routine. Mais ce n’est pas ce qui se produit.

Ceux qui se donnent la peine de s’informer réalisent rapidement que les multinationales installées dans les pays du Sud versent des salaires deux à trois fois supérieurs à ceux offerts par les firmes locales, et proposent de meilleures conditions de travail. Pour retenir leurs travailleurs, les firmes locales doivent alors leur offrir des avantages comparables, ce qui permet à toute la main-d’œuvre de profiter de la présence des multinationales. Cessons donc de juger en fonction des références occidentales et replaçons les choses dans leur contexte avant de crier à l’exploitation.

Mme Pednault et M. Léon-Germain auraient également intérêt à se renseigner sur Taïwan, Hong Kong, Singapour, la Malaisie, et la Corée du Sud. Ces pays comptaient parmi les plus pauvres de la planète il y a quarante ans. Ils ont accueilli ces grands «démons» capitalistes attirés par la main-d’oeuvre bon marché. Une armée de travailleurs a pu alors trouver un emploi et développer une expertise, et des familles entières ont vu leur niveau de vie augmenter. Non seulement ces pays n’offrent-ils plus de main-d’oeuvre bon marché, mais ils appartiennent aujourd’hui au groupe des pays les plus riches. Certes, le travail dans les sweatshops est pénible, mais il s’agit néanmoins d’une étape nécessaire au développement des pays pauvres.

Un boycott douloureux

Boycotter les multinationales conduirait au licenciement des millions de travailleurs des pays pauvres. L’idée de perdre notre emploi nous rendrait malheureux, alors comment nos bien-pensants peuvent-ils sérieusement affirmer aider les travailleurs du Tiers-Monde en boycottant leur production? Non seulement les priverions-nous de leur source de revenu, mais également de la possibilité d’améliorer leur avenir. Refuser les produits qu’ils nous proposent revient donc à les condamner à la pauvreté. Être bien intentionné est insuffisant, il faut réfléchir aux conséquences de nos actes!

Bien entendu, le travail des enfants nous bouleverse. Mais il faut savoir que les consommateurs nord-américains ont déjà boycotté les vêtements vendus entre autres par Wal-Mart, Nike et Gap. Ces firmes ont alors rompu leurs contrats avec des fabricants de vêtements bengalis et pakistanais qui employaient une main-d’oeuvre juvénile constituée en majorité de jeunes filles. Les plus chanceuses d’entres elles ont pu trouver un autre emploi moins bien rémunéré auprès d’un employeur local, les autres n’ont eu d’autre alternative que de se livrer à la prostitution. Des conséquences identiques ont été engendrées par le boycott des tapis fabriqués par des enfants népalais.

Je ne suis pas en faveur du travail des enfants. Il est évident que, dans un monde idéal, leur place est à l’école. Mais avant de boycotter les biens qu’ils fabriquent, demandez-vous quel sort les attend. C’est très noble de vouloir les faire sortir des usines… sauf si c’est pour les mettre sur le trottoir!

* This column was also published in Le Journal de Québec.

Nathalie Elgrably is an Economist at the Montreal Economic Institute.

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