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Le monopole de la SAQ: une aberration économique

Il était temps qu’on débatte véritablement de la pertinence de la SAQ. Le manque de jugement de ses dirigeants et leurs méthodes de gestion douteuses ont fini par ouvrir les yeux à bien des gens. Où a-t-on déjà vu un commerçant réclamer à ses fournisseurs des hausses de prix?

Mais il suffit de suggérer la privatisation de la SAQ pour faire monter aux barricades ses défenseurs qui n’ont souvent pour seul argument que la force de leurs convictions. D’ailleurs, comment défendre un monopole quand on sait que la science économique a depuis fort longtemps prouvé ses effets nuisibles, et démontré les vertus de la concurrence?

Il faut être également très habile pour réussir à justifier ce monopole alors que le Canada dispose d’une Loi sur la concurrence et d’un Bureau de la concurrence dont le mandat est précisément d’empêcher l’apparition de monopoles. Nos dirigeants tenteraient-ils de nous convaincre qu’un monopole est néfaste, sauf s’il est détenu par l’État?

Dans la tourmente du scandale qui a éclaboussé la Société d’état, les dirigeants ont pensé faire amende honorable et rétablir le lien de confiance avec la clientèle en remerciant deux vice-présidents. Mais le stratagème dont les Québécois ont été victimes risque de se reproduire sous d’autres formes, car le but premier de la SAQ est demeuré inchangé, à savoir la maximisation des dividendes remis à l’État. Ce sont les règles du jeu qu’il faut changer, et non uniquement les joueurs. Placés dans le même contexte que leurs prédécesseurs, les nouveaux vice-présidents risquent également de faire preuve d’imagination pour satisfaire leur patron. Par contre, la concurrence impose des règles du jeu qui force les gestionnaires à réduire leurs prix à l’avantage du consommateur.

Les défenseurs du monopole d’État craignent une hausse spectaculaire des prix dans l’éventualité d’une privatisation. Or, cette crainte est non fondée si l’on se fie à l’expérience de l’Alberta qui a libéralisé le commerce de l’alcool en 1993. Une étude de Statistiques Canada révèle qu’entre 1994 (soit l’année où la privatisation a été complétée) et 2004, le prix des alcools a augmenté de 26,4% en Alberta et de 26,6% au Québec.

Perte de recettes? Foutaise!

On entend souvent dire que l’État perdrait une importante source de recettes s’il devait renoncer à son monopole. Foutaise! Rien n’empêcherait Québec de remplacer les dividendes que la SAQ lui verse par une taxe sur la vente d’alcool. Il n’y a qu’à penser aux recettes que procure la vente de cigarettes pour comprendre qu’un monopole n’est pas nécessaire pour garnir les coffres de l’État. À titre indicatif, en 2002-2003, la taxe provinciale unique albertaine (appelée flat markup) rapportait plus au gouvernement de l’Alberta (24,27 $ / litre d’alcool absolu vendu) que ce que la SAQ verse au gouvernement du Québec (23,43 $ / litre). La privatisation pourrait nous permettre de bénéficier des vertus de la concurrence tout en procurant davantage de recettes à l’État. Pourquoi donc refuser d’envisager cette éventualité?

Finalement, prétendre que la privatisation causerait une recrudescence de l’alcoolisme est totalement erroné. Tout le monde sait bien que n’importe quel alcoolique peut se procurer facilement autant de bouteilles qu’il le veut malgré l’existence de la SAQ. La croissance de la demande d’alcool enregistrée en Alberta depuis la privatisation est d’ailleurs inférieure à celle observée au Québec. La SAQ est un vestige des années 20 qu’il ne faut pas craindre de déloger. Les Québécois ont accepté jusqu’ici qu’elle soit maintenue, pensant ainsi financer les programmes sociaux auxquels ils tiennent, mais il ne faut tout de même pas abuser de leurs largesses!

Nathalie Elgrably is an Economist at the Montreal Economic Institute.

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