Un monopole inacceptable
Les fêtes de Noël semblent déjà loin, mais le vin que vous avez bu vous a peut-être laissé un souvenir amer, surtout s’il venait d’Europe.
On a en effet appris que la SAQ utilise des pratiques commerciales visant uniquement à remplir les coffres de l’État, son seul actionnaire. Des pratiques bizarres, qui vont directement à l’encontre des intérêts des consommateurs québécois, mais qui ne sont en fin de compte pas si surprenantes venant d’un monopole public.
Depuis le mois de mai 2005, le dollar canadien s’est apprécié d’environ 15% face à l’euro. Cela signifie qu’un vin que la SAQ payait par exemple 25$ ne lui coûte plus que 21,25$. On n’a toutefois pu bénéficier d’aucune baisse des prix des vins vendus au Québec.
Au lieu de prendre le taux de change du marché et de réajuster ses prix à la baisse pour en faire profiter ses clients, la SAQ a en effet continué à utiliser l’ancien.
Pis encore: lorsqu’elle a finalement été poussée à réviser son taux de change, la SAQ aurait insisté auprès de certains fournisseurs européens pour qu’ils augmentent leurs prix. A-t-on jamais vu un distributeur demander à ses fournisseurs de lui facturer ses produits plus cher?
Une telle manoeuvre lui aurait toutefois permis de continuer à nous tromper. En effet, la majoration que la SAQ ajoute au prix d’une bouteille est en proportion de la valeur de celle-ci. Cela avait donc l’avantage de gonfler artificiellement le chiffre d’affaire de la société d’État et son dividende versé au gouvernement. Des bouteilles payées moins cher en Europe auraient au contraire entraîné une baisse des revenus et du dividende de la SAQ.
Seul un monopole public peut se permettre d’avoir de telles pratiques. Au contraire, une entreprise privée aurait été forcée, sous la pression de la concurrence, de faire profiter les consommateurs du meilleur taux de change, en baissant ses prix. Sinon, l’un de ses concurrents l’aurait fait et lui aurait simplement volé des parts de marché en attirant des clients avec de meilleurs prix. Malheureusement, cela est impossible au Québec dans le domaine des vins et spiritueux.
Pour sauver la face, la SAQ a finalement annoncé des baisses de prix de 8% à 12% pour le 1er février prochain sur certains vins achetés en euros. D’autres baisses viennent aussi d’être annoncées sur les vins achetés en dollars américains (par rapport auquel le huard a aussi connu une augmentation).
Mais ces baisses ne doivent pas faire oublier tous les inconvénients que nous subissons à cause du monopole de la SAQ.
Un tel monopole nous pénalise non seulement par des prix gonflés et un taux de change fantaisiste, mais aussi par un réseau de vente moins étendu et une gamme de produits plus restreinte.
Si la vente était ouverte à la concurrence, il y aurait beaucoup plus de magasins au Québec et on pourrait goûter des vins que la SAQ refuse de vendre aujourd’hui. Une telle ouverture n’affecterait pas pour autant les revenus du gouvernement, toujours en mesure de prélever ses taxes. Tout cela s’est passé en Alberta après la privatisation en 1993.
Les monopoles sont une aberration économique, dans ce secteur d’activité comme dans n’importe quel autre. N’est-il pas temps d’arrêter de nous laisser avoir et d’envisager, comme cela se fait ailleurs au Canada ou en Europe, la concurrence dans la vente d’alcool?
Valentin Petkantchin is Research Director at the Montreal Economic Institute and author if the Economic Note entitled Is government control of the liquor trade still justified?