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Celui qu’on aime haïr

Êtes-vous allé chez Wal-Mart récemment? C’est à n’y rien comprendre! Cette chaîne est l’objet des pires critiques et de reportages accablants, et l’«intelligentsia» la condamne sans nuance pour le mal qu’elle causerait. Pourtant, ses magasins attirent tant de consommateurs qu’il est difficile de se mouvoir dans les allées ou de garer sa voiture dans ses immenses stationnements.

Les consommateurs aiment Wal-Mart parce que cette entreprise s’est donnée pour mission d’offrir toujours les prix les plus bas. Les acheteurs peuvent ainsi augmenter leur pouvoir d’achat et obtenir des produits de marque autrement réservés aux bien-nantis.

Il est d’ailleurs surprenant que des gens bien intentionnés, qui clament haut et fort la nécessité d’aider les plus démunis, s’entendent pour condamner l’un des seuls magasins dont la priorité est d’offrir les plus bas prix. Leurs «nobles» intentions ne seraient-elles que façade? Ne devraient-il pas décrier certaines chaînes dont les produits hors de prix ne sont réservés qu’à une infime minorité d’entre nous?

Cessons donc d’être hypocrites: on ne peut à la fois prétendre vouloir hausser le niveau de vie des pauvres et s’opposer à un commerçant qui se contente d’une marge de profit inférieure à 4%, et qui s’efforce de rendre disponibles le maximum de biens au plus grand nombre de consommateurs.

Certains prétendront que ces aubaines ne sont possibles que parce que Wal-Mart exploite ses travailleurs en leur offrant des salaires de misère. Pourtant, personne n’est contraint d’offrir ses services à Wal-Mart, chacun est libre de travailler où bon lui semble. Certes, les salaires versés par Wal-Mart sont bas, mais c’est également vrai de l’ensemble du commerce de détail, du secteur de la restauration et d’un grand nombre d’usines. C’est le manque de formation, d’instruction et d’expérience des employés qui explique les bas salaires. Alors pourquoi faire fi de cette réalité et diaboliser l’employeur?

Wal-Mart a une attitude antisyndicale, mais celle-ci profite à l’ensemble de la population, et surtout aux plus démunis. Un syndicat ne voit que l’intérêt de ses membres et non celui de la population. Il ferait hausser les salaires pour un petit groupe de privilégiés tandis que les clients les moins nantis auraient à payer plus cher pour leurs achats. Est-ce là leur définition de la solidarité?

On reproche également à Wal-Mart de laisser peu de place aux petits commerçants incapables de rivaliser avec cette chaîne. Et alors? Il faut se faire une raison et accepter que les habitudes évoluent et que les temps changent. Les doléances de quelques nostalgiques des commerces d’antan et les virulentes accusations des syndicats incapables de recruter de nouveaux membres n’y changeront rien.

Personne n’est contraint de faire ses achats chez Wal-Mart, mais à en juger par son chiffre d’affaires, il faut croire que la population apprécie le concept Wal-Mart bien plus que le charme pittoresque des petits détaillants. De quel droit l’«intelligentsia» ose-t-elle prétendre que le choix libre et volontaire effectué quotidiennement par des millions de consommateurs est mauvais tandis que le sien est le bon? Serait-elle à la solde des commerçants offrant une variété limitée de produits à prix élevés?

Sam Walton, le fondateur de Wal-Mart, est parti de rien et a construit un empire. C’est un grand succès américain que beaucoup de gens prétendent détester pour ses méthodes. Mais à une époque où l’antiaméricanisme et la haine de l’entreprise privée sont très tendance, il faut se demander si le fait que cette chaîne rassemble ces deux caractéristiques ne serait pas à l’origine de l’antipathie irrationnelle qu’éprouvent certains. Je serais portée à le croire.

Nathalie Elgrably is an Economist at the Montreal Economic Institute.

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