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Hausse du coût des assurances médicaments: le contrôle des prix n’est pas la solution

Dans le but de maîtriser les coûts des régimes d’assurance, nous nous acharnons depuis plusieurs années sur une fausse solution. Nous persistons en effet à vouloir contrôler le prix des médicaments. Cependant loin de régler les problèmes, un tel contrôle entraîne des pertes pour toute l’économie du Québec.

Ce n’est un secret pour personne que les coûts en médicaments connaissent des hausses importantes depuis plusieurs années. Au Québec, ils ont augmenté en moyenne de 13% par année entre 2000 et 2003, que ce soit dans les régimes collectifs ou dans le régime public pour le même type de clientèle. C’est une hausse évidemment bien plus importante que le taux d’inflation qui a été d’environ 2,5% pendant cette même période.

L’opinion générale attribue cette explosion des coûts à l’augmentation présumée des prix des médicaments brevetés. Pour y remédier, des contrôles ont été mis en place par les pouvoirs publics, aussi bien au niveau fédéral que provincial. Et même si la récente Politique du médicament proposée en décembre dernier par le ministre de la Santé et des Services sociaux du Québec met officiellement fin au gel systématique des prix, le contrôle reste toujours bien présent.

Or, lorsqu’on se penche sur les données, il ressort clairement que les prix des médicaments ne sont pas à l’origine des problèmes que connaissent nos régimes d’assurance collective. Certes, certains nouveaux médicaments pionniers nous coûtent plus cher. Mais ils s’avèrent un très bon investissement qui nous permet d’éviter des dépenses plus importantes en hospitalisations et en chirurgies, en visites à répétition chez un spécialiste, etc. En revanche, d’autres nouveaux médicaments (notamment les médicaments «copies») sont introduits la plupart du temps à des prix inférieurs aux médicaments déjà existants afin de gagner des parts de marché. En bout de ligne, si nous considérons l’ensemble des médicaments brevetés, leurs prix de vente n’ont pas cessé de baisser ces dernières années. Ainsi, alors que les dépenses totales en médicaments ont augmenté de plus de 83% au Québec entre 1997 et 2003, les prix, quant à eux, ont baissé d’environ 14% après prise en compte de l’inflation.

Le contrôle des prix est encore moins justifié lorsqu’on tient compte de son impact sur l’ensemble de l’économie du Québec. En effet, des prix maintenus artificiellement bas sont en train de rendre l’innovation pharmaceutique de plus en plus difficile et de détruire les incitations à investir en R&D au Canada. Et les résultats sont malheureusement là: la part des recettes en provenance des ventes de médicaments consacrée à la R&D est nettement à la baisse depuis plusieurs années au Canada. En 2003, selon les dernières données du Conseil d’examen des prix des médicaments brevetés, cette part est retombée au niveau d’investissement des années 1992-1993.

Un tel ralentissement de l’innovation a inévitablement des répercussions multiples. Cela entraîne des pertes pour toute l’économie en termes d’emplois fort qualifiés, de centres de recherche, d’emplois non créés dans les industries sous-traitantes et associées à la R&D, de traitements de santé moins performants, etc. Tout compte fait, selon une étude récente de Bain & Co., le contrôle des prix ferait perdre aux Canadiens environ 1 milliard $ par an.

Les effets d’un tel impact économique risquent d`être d’autant plus douloureux au Québec où est concentrée une très grande partie de la recherche pharmaceutique canadienne avec plus de 42% de tous les investissements en R&D. Les questions de santé et les questions de dynamisme économique sont étroitement liées et on ne peut pas les analyser séparément. Le ministre Philippe Couillard a eu entièrement raison de tenir compte de cette double réalité dans sa nouvelle Politique du médicament qui consacre un chapitre entier au maintien d’une industrie pharmaceutique dynamique au Québec.

Si nous voulons éviter de mettre en péril l’avenir de l’industrie pharmaceutique au Québec nous ferions sans doute mieux de chercher ailleurs que dans le contrôle des prix les solutions aux problèmes de nos régimes d’assurance collective.

Michel Kelly-Gagnon is President of the Montreal Economic Institute.

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