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Le gouvernement et les associations étudiantes font fausse route

Les modifications apportées au programme de prêts et bourses au printemps 2004 augmentent le plafond des prêts accordés et transforme en prêts des montants qui étaient auparavant octroyés comme bourses. Elles ont soulevé l’ire des étudiants qui, en guise de protestation, font présentement la grève. Le gouvernement avait sans doute pour objectif de dégager des sommes pour répondre aux besoins financiers des universités. Or, si les besoins financiers des universités existent bel et bien et que les étudiants devraient être appelés à contribuer dans une plus grande proportion à ces besoins, il n’est pas clair pour autant que la réforme du programme de prêts et bourse était la meilleure façon de faire.

Le programme de prêts et bourses n’affecte que les étudiants les moins favorisés et qui ont le plus besoin de financement. Les étudiants issus de familles plus aisées n’y font généralement pas appel. La révision du programme est donc relativement injuste et, en ce sens, les associations étudiantes sont justifiées dans leur révolte. Elles sont toutefois en partie responsables de cette injustice, par leur opposition catégorique à un éventuel dégel des droits de scolarité.

Le dégel comme solution équitable

Une solution plus équitable au problème du financement des études supérieures aurait été d’augmenter les droits de scolarité tout en bonifiant le régime d’aide financière de façon adéquate. Une telle réforme augmenterait la contribution de tous les étudiants, mais, surtout, des étudiants mieux nantis, lesquels sont beaucoup plus nombreux sur les bancs des universités. En effet, les jeunes issus de familles plus riches sont deux fois plus susceptibles de poursuivre des études universitaires que les jeunes issus de familles plus pauvres. Cette tendance n’a pas changé dans le temps.

Pour les étudiants moins fortunés, un régime bonifié de prêts et bourses ferait en sorte que les raisons financières ne deviennent pas un obstacle à la poursuite d’études universitaires. Une telle réforme a d’ailleurs été entreprise au Royaume-Uni.

Au Canada, les enquêtes de Statistique Canada et d’autres organismes confirment l’une après l’autre que les raisons financières, et en particulier les augmentations de droits de scolarité, ne menacent pas vraiment l’accessibilité aux études.

Les résultats de l’enquête auprès des jeunes en transition de Statistique Canada dévoilés en novembre dernier sont fort éloquents à cet égard. Il s’avère que de 1999 à 2001, parmi les jeunes Canadiens ayant abandonné leurs études postsecondaires, seulement un étudiant sur dix invoquait le manque d’argent comme première raison de l’abandon (alors qu’environ un jeune sur trois indiquait l’avoir fait parce que le programme d’études choisi ne convenait pas).

De plus, les dernières données de la Fondation des bourses du millénaire mettent en évidence le fait que, malgré l’augmentation des droits de scolarité, de l’endettement étudiant et des exigences académiques pour l’admission à l’université, les taux de participation aux études universitaires ont continué d’augmenter pour l’ensemble du Canada. Les inscriptions dans les universités canadiennes ont augmenté de 20% entre 1999 et 2004. Au Québec, malgré le gel des droits de scolarité, elles n’ont augmenté que de 10%.

Le Québec est la province où les étudiants contribuent le moins au financement de leurs études et où ils sont le moins endettés. Au Québec les droits de scolarité ne forment que 9% des recettes totales des universités comparativement à 26% pour l’Ontario et 19% pour l’ensemble du Canada en moyenne. Parmi les étudiants québécois qui ont contracté une dette, le montant moyen de la dette d’études s’établissait à 12 300$ en 2000, alors que la moyenne canadienne était de 18 900$. Seulement 2,4% des diplômés universitaires québécois accusaient une dette dépassant 25 000$ comparativement à 13,4% pour l’ensemble des étudiants canadiens.

Un éventuel dégel des droits de scolarité augmenterait la contribution de tous les étudiants et, sans doute aussi, l’endettement de ceux qui doivent emprunter pour étudier. Cette augmentation serait cependant moins importante que lorsque des compressions ciblent seulement un sous-ensemble des étudiants, comme c’est le cas avec les modifications récentes au programme de prêts et bourses. De plus, il ne faut pas oublier que l’éducation est avant tout un investissement. Même si la contribution des étudiants augmente faute de ressources disponibles au gouvernement, cet investissement demeurera l’un des plus rentables et des moins risqués qu’ils puissent faire.

Norma Kozhaya is Economist at the Montreal Economic Institute and author of the Economic Note Would Higher Tuition Fees Restrict Access to University Studies?

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