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Opinion: Vivement l’impôt proportionnel

À compter du 1er janvier prochain, les Albertains deviendront les premiers contribuables au pays à bénéficier d’un système d’impôt proportionnel. La mesure fiscale mise en place par celui qui était jusqu’à tout récemment le ministre des Finances de la province, Stockwell Day, crée un précédent qui ne pourra être ignoré et qui pourrait bien se propager à la grandeur du Canada. En effet, Stockwell Day est aujourd’hui candidat à la direction de l’Alliance canadienne et propose maintenant d’implanter l’impôt proportionnel au niveau fédéral. Sous un gouvernement dirigé par Stockwell Day, les contribuables canadiens ne paieraient plus que 17 p. cent d’impôt fédéral sur chaque dollar gagné à partir de 12 000. Les 12 000 premiers dollars gagnés seraient exemptés d’impôt sur le revenu. Voilà un bon programme économique, de la part d’un politicien qui a déjà mis en place un régime fiscal semblable!

Notre appui au principe de l’impôt proportionnel (flat tax) s’inspire d’une philosophie fiscale fondée sur le principe de la généralité des lois, qui doit présider à une économie prospère et respectueuse de l’individu. Cette incidence heureuse de l’impôt proportionnel découle à son tour d’une analyse théorique et historique solidement documentée. De toutes les taxes qui pèsent aujourd’hui sur l’économie canadienne, l’impôt proportionnel serait celui qui impose le fardeau le moins lourd et le moins arbitraire. Si toutes les taxes comportent des entraves à la prospérité et à la justice, l’impôt proportionnel est celui qui inflige le moins d’entraves à la croissance et à la justice.

Coûts économiques des taxes et croissance

Les taxes freinent la croissance à long terme. Toutes les taxes exercent des effets dépressifs sur l’économie, parce que toutes affectent de façon négative les incitations des gens à travailler (chômage durable), à épargner, à investir, à prendre des risques (sous-performance des bourses canadiennes) et à innover. Au fait, la fiscalité variable entre les pays explique plus de 40% des variations de croissance observées entre les pays de l’OCDE. Relation illustrée au Canada par la prospérité relative de l’Ontario et de l’Alberta ; et négativement par le recul du Québec et de la Colombie Britannique.

Puisque la fiscalité constitue un mal nécessaire, il importe d’en minimiser les effets. L’impôt proportionnel accomplit exactement la tâche de financer les dépenses publiques en minimisant les distorsions communes à la plupart des autres taxes. Or l’impôt progressif actuel sur le revenu, farci d’une multitude d’exemptions et de crédits discriminatoires, est celui qui s’avère le plus hostile à la croissance et à la justice, parce qu’il est le plus discriminatoire de tous les prélèvements. L’impôt à taux marginaux croissants sur le revenu est celui qui rompt le plus directement et le plus fortement le lien vital entre l’effort et la rémunération. Les gens privés du loisir de garder le fruit de leur travail et de leurs efforts participent moins à l’activité et donc l’activité générale en souffre. Or on sait que le taux marginal de taxation le plus élevé au Canada va jusqu’à plus de 50% au Québec, sur un revenu de 63,500$. Il s’inscrit à moins de 43,7% (sur un revenu de $425,000) aux États-Unis.

Cet impact des taxes est si réel qu’à partir d’un certain poids fiscal, il se peut que les rentrées fiscales déclinent lorsque les taux d’imposition s’élèvent par suite de l’évasion fiscale et du refus des gens de s’engager dans des activités productives. L’observation d’une économie souterraine florissante, les multiples détours empruntés pour éviter les taxes, l’hésitation à faire du surtemps déclaré, la faible attraction du Canada pour les capitaux nationaux et étrangers, ainsi que la fuite des capitaux vers les paradis fiscaux quand ce n’est pas l’émigration des citoyens les plus riches et les plus talentueux, tout tend à suggérer qu’au Canada, au Québec en particulier, la baisse des taux marginaux par l’adoption d’un impôt proportionnel élèverait les rentrées fiscales.

L’allégement des taux marginaux par une taxe proportionnelle combinée à une forte exemption de base, est particulièrement pressant pour les bas revenus qui subissent parfois des taux spoliateurs supérieurs à 100%, et qu’on dissuade ainsi de s’intégrer à l’économie du travail.

Coûts politiques des taxes

Le fardeau économique des taxes exposé ci-dessus n’épuise pas la totalité des effets néfastes de la fiscalité. Il faut y ajouter ce que les économistes désignent comme le coût politique des taxes. Dans une version de la Loi de Parkinson, les dépenses publiques augmentent pour rejoindre les revenus. Un vieux dicton dit des politiciens «qu’on leur donne l’argent; ils ne manqueront pas de le dépenser». L’analyse et l’histoire récente ailleurs attestent que la façon de freiner les instincts du gouvernement, c’est de le rationner dans son pouvoir de pratiquer la discrimination fiscale par la multiplication des faveurs fiscales à droite et à gauche. Or l’impôt proportionnel accomplirait exactement cette tâche d’interdire l’arbitraire fiscal inspiré par des finalités électorales à court terme.

Les gouvernements s’emploient surtout à opérer des transferts politiquement inspirés entre les individus et les groupes. Cette pratique généralisée amène les gens à consacrer leurs efforts à s’attirer les faveurs publiques ou à se protéger contre les efforts semblables de leurs voisins, plutôt que de se consacrer à la création de richesses. Et puisqu’il ne s’agit que de transferts entre les uns et les autres sans addition nette de valeurs, l’entreprise devient un jeu à somme négative. Elle n’ajoute rien à la richesse collective et pourtant elle absorbe des ressources désormais consacrées à la course aux faveurs; elle est pur gaspillage de temps et de ressources, en ce qu’elle distrait les producteurs de leurs activités de producteurs.

Les groupes de pression à la recherche de ces faveurs exercent leurs activités néfastes des deux côtés du budget. Les uns chercheront à se soustraire à des prélèvements fiscaux, alors que d’autres voudront faire voter des dépenses plus élevées. La fiscalité discriminatoire n’est rien d’autre qu’un des nombreux instruments dont dispose un gouvernement pour régler ses faveurs sur leur rentabilité électorale. Le parti le plus sensible aux pressions électorales immédiates privilégiera une structure fiscale composée d’une variété de taxes, et surtout d’exemptions et de crédits fiscaux arbitraires. La taxe proportionnelle servira à freiner ces instincts en faveur de la discrimination.

 

Jean-Luc Migué is Associate Researcher at the MEI.

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