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La syndicalisation forcée nuit à la création d’emplois

Même si l’économie est en effervescence et que le niveau du chômage continue de baisser, le Québec se distingue toujours comme l’une des régions nord-américaines où le nombre des sans-emploi demeure élevé (relativement parlant).

Il serait donc utile que le débat actuel sur la réforme du Code du travail tienne compte de l’impact de la contrainte syndicale sur la création d’emplois et la résorption du chômage.

Le Canada reste l’un des rares pays industrialisés où les lois du travail permettent à des organisations syndicales de s’imposer uniformément dans une entreprise, notamment en forçant celle-ci à embaucher uniquement des travailleurs qui cotisent au syndicat en place (la Formule Rand oblige un employeur à prélever une cotisation syndicale à la source pour tous les salariés d’une entité d’accréditation) ou qui adhèrent au syndicat maison (atelier fermé). Ces deux formules sont en vigueur au Québec.

Situation différente aux États-Unis

Aux États-Unis, la situation est bien différente. En effet, 21 États ont adopté dès les années 1940 des lois dites Right-to-Work (droit au travail) qui donnent à un salarié la liberté d’adhérer ou non au syndicat représentant les travailleurs d’une entité où il y a un syndicat.

L’appartenance à un syndicat peut engendrer des bénéfices directs pour un employé; toutefois, outre les réserves morales qu’on peut avoir à contraindre un travailleur à adhérer à une organisation, ces dispositions ont aussi des effets négatifs sur l’emploi et la croissance à plus long terme.

Croissance dans les États non syndiqués

Les données tirées du U.S. Bureau of Labor Statistics indiquent en effet que le taux de croissance de l’emploi total a été de 73% dans les États avec Right-to-Work entre 1977 et 1997, mais qu’il fut de seulement 37% dans les États sous le régime d’atelier fermé au cours de la même période. Dans le secteur manufacturier seulement, les États avec Right-to-Work ont bénéficié d’une croissance de l’emploi de 148% de 1947 (année où ils ont acquis le droit de passer de telles lois) à 1992, alors que l’emploi manufacturier a pratiquement stagné dans les autres États.

Quant au secteur de la haute technologie, dont tout le monde tente de profiter, c’est aussi dans les États avec Right-to-Work qu’il s’est le plus développé: l’emploi y a augmenté de 22% entre 1989 et 1996, contre 3% seulement dans ceux qui imposent la syndicalisation.

Bien sûr, ces données ne prouvent pas qu’il y a une relation de cause à effet qui démontrerait de façon définitive que l’atelier fermé est néfaste pour l’économie. Le résultat qu’elles laissent entrevoir dépend en réalité du contexte économique global dans ces États, où les lois du travail constituent une mesure parmi d’autres. Il serait imprudent de ne pas tenir compte de ces données.

Rigidité indue

La Formule Rand et les clauses d’atelier fermé introduisent une rigidité indue dans le marché du travail, dans la mesure où les syndicats qui jouissent d’un monopole au sein d’une entreprise peuvent exclure les personnes sans emploi qui seraient prêtes à travailler pour un salaire moins élevé que ce que stipule la convention collective. Les employés syndiqués en profitent, mais les autres vont grossir les rangs des chômeurs.

De même, le monopole syndical peut forcer les salaires à monter à des niveaux plus élevés que ce que justifie la productivité réelle de l’entreprise. Dans un contexte de concurrence intense, cela signifie des coûts de main-d’oeuvre plus élevés, une baisse de la compétitivité, des pertes de contrats et, éventuellement, des mises à pieds. À plus long terme, même les emplois des syndiqués sont vulnérables.

D’autres données confirment que le droit au travail profite à l’ensemble des travailleurs. Selon le professeur James T. Bennett de l’université Georges Mason en Virginie, le pouvoir d’achat familial après impôt était, en 1993, de 2852$ plus élevé dans les États avec Right-to-Work que dans les autres.

Cette situation ne laisse pas indifférents les investisseurs et entrepreneurs américains qui, selon des sondages, préfèrent en majorité s’établir dans les États où la syndicalisation n’est pas obligatoire, un critère qui passe avant le fardeau fiscal.

Ce n’est donc pas une coïncidence si le Québec conjugue son haut taux de chômage avec l’un des taux de syndicalisation forcée les plus élevés sur le continent. C’est lorsque la demande de main-d’oeuvre est forte que les travailleurs et ceux qui se cherchent un emploi y gagnent le plus.

Et la meilleure façon d’y arriver est d’assurer la flexibilité du travail et de permettre aux entreprises d’augmenter leur productivité, au lieu de ne protéger artificiellement qu’une partie des travailleurs.

[Voir aussi La liberté de travailler: source de prospérité et de création d’emploi, une Note économique publiée par l’IEDM.]

 

Michel Kelly-Gagnon is President of the MEI.

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