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Plaidoyer pour une véritable assurance-emploi

L’Institut économique de Montréal recevait récemment James Buchanan, lauréat d’un prix Nobel d’économie et fondateur de la théorie des choix publics. Cette approche analytique stipule que les politiciens, comme tout le monde, agissent rationnellement afin de promouvoir leurs intérêts et ont donc tendance à prendre des décisions qui favoriseront leur image et leur maintien au pouvoir. Cette théorie permet d’illuminer une question qui préoccupe bien des entreprises et travailleurs.

L’actuaire en chef de la Caisse de l’Assurance-emploi, Michel Bédard, annonçait récemment que celle-ci affichera un surplus imposant de 8 milliards de dollars en 2001, les cotisations étant plus élevées que ce qui est nécessaire pour gérer le programme. Les «surplus accumulés» à la caisse depuis quelques années s’élèveront donc à 44 milliards.

On ne peut toutefois parler de véritable surplus puisque ceux-ci ont déjà été dépensés. Ils ont été intégrés au fonds consolidé dans lequel l’État puise pour ses dépenses. Les cotisations des employés s’élèvent actuellement à 2,25 $ par 100 $ de gains assurables. Dans son dernier rapport annuel, M. Bédard estimait pourtant qu’un taux de 1,46 $ en l’an 2000 aurait permis au régime de faire ses frais.

Le ministre des Finances, Paul Martin, a déjà annoncé qu’il réduira les cotisations de 0,05 $ dans son prochain budget. N’importe quelle baisse constitue évidemment un pas dans la bonne direction. Mais le coeur du problème n’est pas réglé pour autant.

Au cours des dernières années, Ottawa a pu éliminer son immense déficit et réduire légèrement les impôts sans avoir à couper de façon importante dans ses dépenses. La forte croissance économique et la hausse des recettes fiscales expliquent en partie comment cela a été possible. Mais la disponibilité de la caisse d’Assurance-emploi a aussi aidé.

Certains diront: qu’est-ce que cela peut bien faire d’où vient l’argent puisque ce sont toujours nous, les contribuables, qui payons? Ce qui cloche, c’est que le gouvernement s’engage dans des dépenses pour augmenter sa popularité sans avoir à expliquer qu’il peut se le permettre parce qu’il pige plus qu’il faut dans nos poches. Ces fonds nous sont officiellement soutirés pour une «assurance», donc quelque chose en principe plus justifiable qu’une simple taxe. Le gouvernement peut ainsi masquer la réalité de sa gestion des finances publiques et s’attribuer le mérite pour quelque chose qu’il n’a pas fait.

Mais ce type de gestion génère, à la longue, le cynisme et la méfiance des citoyens. Pourquoi se préoccuper du débat concernant les politiques publiques si le gouvernement maquille les chiffres et fait ce qu’il veut avec notre argent?

Si Ottawa veut vraiment gérer notre argent avec transparence, il doit fusionner la taxe qu’est dans les faits l’assurance-emploi avec l’impôt fédéral et assumer la responsabilité politique pour un niveau d’imposition plus élevé, ou, ce qui serait préférable, faire de l’assurance-emploi une assurance indépendante du fonds consolidé de l’État, et réduire les cotisations de façon à ce qu’elles ne recueillent que les montants nécessaires à la gestion du programme.

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