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Les effets pervers des dispositions anti-briseurs de grève

Le Québec et la Colombie-Britannique sont les seules provinces qui ont des dispositions anti-briseurs de grève, communément appelées «lois anti-scabs». En modifiant l’équilibre des forces dans les relations entre l’employeur et les travailleurs syndiqués, les dispositions anti-briseurs de grève entraînent des effets pervers sur l’emploi et l’économie en général, tout particulièrement pour les PME.

Une entreprise multinationale peut, dans le contexte d’une grève, transférer temporairement sa production dans une autre de ses usines située au Québec ou ailleurs au Canada, ou même à l’étranger. La situation est plus critique pour les PME. N’ayant généralement qu’un seul établissement de production, il leur est beaucoup plus difficile de résister à la pression économique qu’elles subissent. Elles céderont plus facilement aux demandes afin d’éviter une grève qu’elles savent ne pas pouvoir supporter. Dans le cas d’un conflit, elles auront tendance à rechercher un règlement rapide, ce qui aura souvent pour effet de diminuer leur compétitivité.

Face à ces scénarios peu favorables, la réaction logique d’un propriétaire de PME sera de s’organiser dans la mesure du possible pour réduire sa dépendance à l’égard de son personnel syndiqué. À titre d’exemple, il pourrait avoir davantage tendance à recourir à la sous-traitance, à engager moins de travailleurs permanents ou à augmenter sa capacité de production en ouvrant une nouvelle usine, souvent hors du Québec, au lieu d’agrandir celle déjà existante.

Dans tous les cas, il s’ensuit une réduction de l’emploi et de l’investissement. Une récente étude révèle que la présence de restrictions à l’utilisation de travailleurs de remplacement dans une province est associée avec des taux d’emploi plus faibles. Pour le Québec, cette diminution équivaudrait à environ 30 000 emplois.

Durée et fréquence des grèves

L’un des principaux arguments invoqués à l’appui des dispositions anti-scabs depuis leur adoption en 1977 est qu’elles permettent de réduire la durée et la fréquence des conflits de travail. D’autres études contredisent toutefois cette affirmation, à tout le moins pour les grandes entreprises pour lesquelles les données sur les conventions collectives sont facilement disponibles.

La plus récente de ces études a par exemple examiné 4340 contrats négociés dans les grandes entreprises du secteur privé au Canada sur la période de janvier 1967 à mars 1993. Les résultats, fortement influencés par l’expérience du Québec, révèlent que la durée moyenne d’une grève est de 86 jours s’il y a interdiction d’embaucher des travailleurs de remplacement et de 54 jours en l’absence de telles dispositions.

Les lois anti-scabs ont aussi en général pour effet d’augmenter la probabilité qu’une grève ait lieu – de 15 à 27 % selon la même étude récente –, ce qui contredit encore une fois l’opinion courante.

En fin de compte, aucune de ces conséquences n’est à l’avantage des travailleurs que ces lois sont censées protéger.

Norma Kozhaya is an Economist at the Montreal Economic Institute.

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