fbpx

Op-eds

Le gouvernement de l’Ontario est-il dans le pétrin?

De nombreux commentateurs ont récemment dénoncé le pétrin dans lequel le premier ministre Doug Ford se serait supposément mis. Le problème? Il a promis de sortir l’Ontario de la bourse du carbone de la Western Climate Initiative (WCI), à laquelle participent aussi le Québec et la Californie.

Les commentaires de ceux qui croient que la sortie de la bourse du carbone est impossible font valoir entre autres que puisque les entreprises se doutent bien qu’un autre système de prix du carbone viendra tôt ou tard, elles préféreront une contrainte qu’elles connaissent à d’autres qui sont incertaines; ils craignent aussi que le retrait de l’Ontario du système de plafonnement et d’échanges ne réduise à zéro la valeur de plus de deux milliards en droits d’émission de GES. Pourtant, en réalité, sortir de la bourse carbone n’aura rien d’extraordinairement compliqué.

Premièrement, y a-t-il des problèmes techniques à le faire? Non. Le contrat liant l’Ontario à ses partenaires dans le WCI spécifie clairement qu’un gouvernement désirant se retirer du système doit donner un préavis d’un an. En attendant, le premier ministre peut annoncer qu’il n’y aura plus de mise en application de ses règles, dont l’obligation d’acheter des droits d’émission. Le résultat? Il n’y aura pas d’acheteurs ontariens pour les mises aux enchères futures. En fait, l’annonce par le premier ministre de la sortie de la bourse a déjà mis fin au programme, même si le tout ne sera officiel qu’en 2020.

Deuxièmement, que faire avec les droits d’émission existants? Plusieurs entreprises qui produisent des carburants ont en effet déjà acheté des droits pour utilisation future, en raison de la hausse des prix intégrée dans le système. De leur côté, les gouvernements de la Californie et du Québec ont déjà annoncé qu’ils n’accepteraient pas que les détenteurs ontariens fassent du « dumping » de leurs droits sur le marché secondaire de la bourse. Évidemment, puisqu’un tel surplus de droits pousserait leur valeur à la baisse pour un bon moment.

Que faire alors? C’est plutôt simple. Les 2,8 milliards $ déjà dépensés par les firmes ontariennes n’ont pas disparu en fumée : le gouvernement de Mme Wynne les a empochés. Il suffit simplement de prendre cet argent et de le rendre aux acheteurs de droits, comme on le ferait si on abolissait de façon rétroactive un impôt. Évidemment, cela implique de réduire les dépenses publiques que cet impôt aurait permis d’augmenter. Un premier pas a été fait en ce sens avec l’annonce de l’abolition du Green Ontario Fund.

Finalement, les entreprises vont-elles s’opposer à la décision de M. Ford? La plupart des entreprises concernées sont actuellement en train d’évaluer les effets de la décision. Certaines sont sans doute inquiètes, car le gouvernement fédéral envisage d’imposer une taxe carbone sur les provinces qui n’auront pas de mécanisme de tarification du carbone. Les entreprises qui étaient exemptées des obligations de carbone avec la bourse mais qui seraient soumises à une éventuelle taxe carbone fédérale perdront au change. Pour les autres, bourse ou taxe, ça ne change pas grand-chose.

La grande question qui reste ne trouvera de réponse que dans quelques années : avec l’opposition de l’Ontario et de la Saskatchewan pour une taxation du carbone, et des élections approchant en Alberta, au Québec et au niveau fédéral, y aura-t-il encore en 2020 un prix pour le carbone?

Germain Belzile is a Senior Associate Researcher at the MEI. The views reflected in this op-ed are his own.

Back to top