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Santé : dépenser plus, ou pas?

Dans un récent texte publié sur le HuffPost Québec, M. Jacques Benoît, de la Coalition solidarité santé, plaide qu’on pourrait améliorer l’accès au système de santé sans que ça ne coûte nécessairement plus cher. C’est vrai, mais il faut que ça soit fait de la bonne façon, sinon on risque d’empirer l’état du patient!

M. Benoît apporte de bons éléments à la discussion. Il a raison de souligner l’absurdité du contingentement artificiel dans les facultés de médecine; la seule limite devrait être la capacité professionnelle. Il a raison aussi de dénoncer les exigences trop élevées qu’on impose aux médecins venus d’ailleurs, qui sont déjà formés et qui n’attendent que de nous soigner.

Il pointe avec justesse les conditions de travail difficiles des infirmières et le peu de reconnaissance et d’autonomie qu’on leur accorde au Québec. Si les infirmières pouvaient en faire plus – et les pharmaciens aussi, tant qu’à y être -, cela allégerait la tâche des médecins, qui pourraient se concentrer sur ce qu’ils font de mieux. Comme le Québec compte moins de médecins que la plupart des pays développés, on devrait faire tout ce que l’on peut pour s’aider!

Le piège de la Nouvelle-Zélande

Comme plusieurs autres commentateurs de la santé, M. Benoît tombe dans certains pièges. Le premier est celui du pot de miel des dépenses de médicaments. Selon lui, le Québec « choisirait de payer jusqu’à 3 milliards $ de trop par année ». On n’aurait qu’à nationaliser l’assurance médicaments, comme l’a fait la Nouvelle-Zélande, et on se retrouverait avec des milliards à dépenser ailleurs. Peut-être, mais à quel prix?

La business des médicaments est une chose immensément complexe, mais une réalité de base, immuable, incontournable, demeure: les médicaments sont fabriqués par des entreprises qui y consacrent des millions, voire des milliards. Seule une petite partie de la recherche débouche sur des molécules qui se rendront dans les pharmacies et les hôpitaux. C’est un domaine risqué, et coûteux. On peut négocier avec les pharmaceutiques, mais on ne peut pas les forcer à commercialiser un médicament à un coût qu’ils considèrent trop faible.

Comme au Canada on tient présentement compte des investissements nécessaires, nous sommes l’un des premiers pays pour l’introduction de nouveaux médicaments. Dans une étude récente, le Canada était ainsi au 4e rang sur une trentaine de pays développés pour la proportion de nouveaux médicaments mis sur le marché. La Nouvelle-Zélande, elle, était bonne dernière… Son régime public est ainsi dix ans en retard, parfois plus, pour la couverture de nouveaux médicaments pour des maladies comme le diabète, le cancer et l’hypercholestérolémie.

On pourrait renchérir avec le Royaume-Uni, où le cas de patients atteints du cancer qui se voient refuser des médicaments font régulièrement la manchette, en raison d’un régime entièrement public qui cherche d’abord à limiter les dépenses. Sans surprise, les taux de survie pour certains types de cancer y sont parmi les pires du monde occidental.

Au Canada, et même aux États-Unis, ce sont les assureurs privés qui vont souvent au bâton en premier pour l’introduction de nouveaux médicaments. Pendant que le gouvernement s’assoit sur ses mains, des patients qui ne peuvent compter que sur le régime public souffrent.

M. Benoît suggère aussi de « réduire la sous-traitance au privé ». Il devrait aller faire un tour en Europe, et il verrait qu’une couverture universelle n’est pas incompatible avec la coexistence de fournisseurs privés et publics.

D’ailleurs, pas plus loin qu’en Ontario, le gouvernement sous-traite justement les prises de sang et certains examens, et l’attente est moindre qu’ici, où les appareils d’imagerie prennent la poussière dans les hôpitaux. Même au Québec, la sous-traitance dans des centres de chirurgie privés a permis de faire fondre les listes d’attente sans que les patients n’aient à débourser, et à coût moindre pour l’État. Que demander de plus?

C’est simple, le poids de l’État et de la bureaucratie dans les soins de santé augmente sans cesse depuis 40 ans, et nous ne sommes soignés ni mieux, ni plus vite. Demander au gouvernement d’en faire plus revient essentiellement à dire que, puisqu’on n’a pas encore touché le fond, on peut continuer à creuser…

Dépenser plus, la solution facile

Dans sa conclusion, M. Benoît suggère que si les solutions « pas toujours plus chères » ne règlent pas le problème, on peut toujours dépenser plus et augmenter les impôts. C’est la solution facile. On doit garder à l’esprit que les dépenses en santé ont à peu près doublé depuis trente ans, même en tenant compte de l’inflation et de la croissance de la population, et sans amélioration notable; si on ne revoit pas nos façons de faire, la santé va devenir un puits sans fond.

M. Benoît s’appuie sur une prise de position récente du Fonds monétaire international pour justifier une augmentation des impôts. En effet, le FMI a déconseillé l’automne dernier de réduire les impôts des plus fortunés. Il y aurait beaucoup à dire là-dessus, mais tenons-nous en simplement aux arguments du FMI: celui-ci mentionne que le taux d’impôt le plus élevé, soit celui qui s’applique aux « riches », est passé de 62 % au début des années 1980 à 35 % ces dernières années dans les pays développés. L’organisme considère qu’un taux « optimal » devrait être de 44 %.

De ce point de vue, on n’a pas à s’inquiéter, le taux marginal maximal au Québec est de 53 %! Les paliers d’imposition sont également moins élevés que dans les autres provinces, ce qui signifie qu’à revenu égal, on paiera plus d’impôt ici. Bien des « riches » Québécois en prennent note, et trouvent des façons de réduire leurs impôts ou de les payer ailleurs, ce qui laisse au bout du compte moins d’argent dans les coffres de l’État.

Bref, si on suit les recommandations du FMI, et qu’on cherche à maximiser la croissance économique – et les revenus du gouvernement -, on devrait réduire les impôts, n’en déplaise à M. Benoît. Comme tout ce qui précède, ce n’est pas idéologique, simplement économique.

Patrick Déry is a Public Policy Analyst at the Montreal Economic Institute. The views reflected in this op-ed are his own.

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