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Marché commun canadien – Des barrières artificielles à faire tomber

Les grandes choses ont parfois des origines bien modestes. Lorsque Gérard Comeau, un retraité de Tracadie, au Nouveau-Brunswick, a contesté une contravention de 300 $, il ne se doutait pas qu’il semait les germes d’un combat judiciaire qui pourrait pratiquement refonder le commerce canadien. Et pourtant, c’est précisément ce qui pourrait arriver !

Il y a cinq ans, M. Comeau a été arrêté pour avoir rapporté chez lui, en contravention d’une loi désuète de sa province, quatorze caisses de bière et trois bouteilles de spiritueux qu’il avait achetées au Québec. Mis à l’amende par des policiers, il a refusé d’en rester là, et a gagné sa cause devant la Cour provinciale.

Après une tentative infructueuse devant la Cour d’appel du Nouveau-Brunswick, le gouvernement de la province s’est tourné vers la Cour suprême du Canada, qui entendra la cause les 6 et 7 décembre prochains. Essentiellement, la Cour suprême devra décider si les Canadiens ont le droit de transporter d’une province à une autre des biens achetés légalement, incluant de l’alcool.

Faites tomber ces barrières !

Le point de vue des Canadiens, quant à eux, est sans équivoque : ils croient qu’ils devraient déjà avoir ce droit. Un sondage réalisé par la firme Ipsos pour le compte de l’IEDM montre en effet que la quasi-totalité des Canadiens (89 %) considère qu’ils devraient pouvoir acheter et transporter n’importe quel produit légal d’une province à l’autre.

Lorsqu’on leur pose la même question à propos de l’alcool, une très forte majorité (78 %) sont d’avis qu’ils devraient aussi pouvoir acheter et transporter n’importe quelle quantité de bière ou de vin d’une province à l’autre. Seulement 8 % des Canadiens sont en désaccord. On est en 2017, après tout !

De plus, quelque 84 % des Canadiens pensent qu’on devrait leur permettre de commander du vin directement d’un vignoble d’une autre province. Et seulement 14 % des Canadiens croient que les provinces qui ont un monopole sur la vente d’alcool devraient pouvoir le protéger en imposant des amendes, comme cela est arrivé à Gérard Comeau.

Le Canada est perçu à travers le monde comme un champion du libre-échange, comme l’attestent sa défense vigoureuse de l’ALENA, la récente conclusion d’un traité avec l’Europe et ses efforts actuels en vue de sauver le Partenariat transpacifique. Étrangement, cette reconnaissance des bienfaits des échanges commerciaux ne se reflète pas à l’intérieur de ses propres frontières, où plusieurs obstacles à un commerce véritablement libre subsistent. Les Canadiens, eux, préféreraient voir ces obstacles disparaître, en dépit des justifications invoquées par les provinces.

En effet, toujours selon le sondage Ipsos, seul un très petit nombre sont d’avis que les provinces devraient pouvoir imposer des restrictions sur les articles provenant des autres provinces afin de protéger leurs propres industries (16 %) ou pour générer plus de revenus pour le gouvernement (12 %).

Un pays, une économie

Les Canadiens ont manifestement compris les bienfaits de la liberté de commerce et souhaitent en profiter pleinement à l’intérieur de leur propre pays, même si les provinces se sont employées au fil des ans à dresser toutes sortes d’obstacles pour les consommateurs, les travailleurs et les entreprises.

Les réactions des gouvernements fédéral et des provinces à l’affaire Comeau sont étonnantes. Plutôt que de réaffirmer haut et fort un des idéaux qui a mené à la création de la fédération canadienne, soit la création d’un véritable marché commun, ils ont choisi de se présenter en Cour suprême contre M. Comeau afin de préserver un statu quo qui coûte des dizaines de milliards de dollars aux Canadiens chaque année.

Les enjeux liés à cette cause sont si cruciaux pour notre économie que trois organismes ont décidé de s’impliquer et de faire front commun afin de défendre la liberté de commerce pour tous les Canadiens, d’un océan à l’autre, devant l’assaut des gouvernements : la Canadian Constitution Foundation (CCF), l’Atlantic Institute for Market Studies (AIMS), et l’Institut économique de Montréal (IEDM).

C’est également pour cette raison et en vertu du caractère potentiellement historique de l’affaire que l’IEDM a demandé, et obtenu, le statut d’intervenant auprès de la Cour suprême.

Il est maintenant à souhaiter que la Cour reconnaisse la sagesse de la décision du juge de première instance, qui a invalidé une loi vétuste, datant de la Prohibition et contraire à l’idée originale derrière la Confédération, soit celle d’un pays et d’un marché unis. Cela aurait un effet extraordinaire sur l’économie des provinces, en plus d’être un magnifique cadeau à faire aux Canadiens pour le 150e anniversaire de leur pays.

Michel Kelly-Gagnon is President and CEO of the Montreal Economic Institute, Patrick Déry is a Public Policy Analyst at the MEI. The views reflected in this op-ed are their own.

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