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Textes d'opinion

Le plus beau cadeau de Noël

Existe-t-il une pire chose que de voir la santé de son enfant se détériorer jour après jour en raison d’une maladie dégénérative grave? Sans doute savoir qu’il existe un médicament pour l’aider, ne pas y avoir accès, et être forcé de le voir dépérir davantage. Imaginez un moment le sentiment d’injustice et d’impuissance.

Ce sentiment a habité jusqu’à récemment les parents des quelques dizaines d’enfants québécois atteints d’amyotrophie spinale, une maladie qui s’attaque aux muscles, limite la mobilité, peut rendre l’alimentation et la respiration difficiles et, dans certains cas, être mortelle.

Il existe un médicament qui peut ralentir ou arrêter la progression des symptômes de cette maladie, et parfois les renverser : le Spinraza. 

L’an dernier, presque à la même date, je relatais la décision de l’INESSS – l’organisme responsable de conseiller le gouvernement du Québec – de ne pas rembourser le Spinraza via le régime provincial d’assurance médicaments. Tout un cadeau de Noël pour ces enfants malades et leurs parents…

Pourtant, le Spinraza est remboursé dans plusieurs pays d’Europe. Certains seront sans doute étonnés d’apprendre que même aux États-Unis, une majorité des patients y a accès (plus de 60 % des patients couverts par une assurance publique, et environ 80 % de ceux couverts par une assurance privée).

Pourtant, aussi, l’INESSS avait admis que le Spinraza « comblerait un besoin de santé très important chez ces patients, pour qui aucun traitement curatif ou modificateur de la maladie n’est actuellement disponible ». Il avait aussi noté que la majorité des patients traités avaient vu leur état s’améliorer. Mais il avait quand même recommandé de ne pas le rembourser, recommandation qu’avait entérinée l’ancien ministre de la Santé.

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L’INESSS a changé d’idée cet automne, dans un revirement de situation aussi bienvenu qu’inattendu, et la nouvelle ministre a suivi. Les patients atteints d’amyotrophie spinale de type I, II et III, seront finalement couverts par le régime public.

Tout est bien qui finit bien? Pas tout à fait. Évidemment, c’est une nouvelle formidable pour tous les patients concernés, particulièrement ceux qui en sont aux premiers symptômes et qui pourront peut-être avoir une vie presque normale grâce au médicament. Pour eux, c’est vraiment le plus beau cadeau de Noël qu’on puisse imaginer. Pour d’autres, qui ont vu leur condition se détériorer davantage, l’année perdue représente une éternité et ne pourra probablement pas être rattrapée.

Tout de même, on va prendre les bonnes nouvelles quand elles arrivent. Mais on va aussi ajouter une morale à cette histoire, à digérer tranquillement entre la tourtière, la dinde et les atocas.

Il y a présentement un mouvement qui se dessine au Canada pour implanter un régime public d’assurance médicament qui couvrirait l’ensemble de la population et remplacerait le système mixte que nous avons présentement.

Au Québec, 100 % de la population est couverte par une assurance médicaments. Une majorité de Québécois le sont dans le cadre de leur travail ou par l’assurance de leur conjoint ou celle d’un parent. Les autres sont pris en charge par le régime public, qui établit la couverture minimale obligatoire. La plupart des régimes privés offrent plus, et incluent souvent d’autres services : physiothérapie, chiropratique, soins dentaires, examens diagnostiques, etc.

Dans le reste du Canada, la quasi-totalité de la population est également couverte. Il y a quelques trous à boucher, mais le niveau de couverture est généralement assez bon. 

Pourquoi? Essentiellement, parce que les assureurs (et même les employeurs, jusqu’à un certain degré), rivalisent entre eux pour offrir la meilleure couverture possible. Ils trouvent des façons d’inclure plus de services, négocient des prix, prennent des ententes avec des fournisseurs, et cherchent généralement à diminuer leurs coûts pour rendre leurs régimes attrayants. Bien sûr, tous les intervenants impliqués cherchent à tirer un profit de leurs opérations. Mais aussi, tous comprennent que sans clients et sans patients, ils ne pourraient exister. 

L’État, lui, cherche avant tout à diminuer ses coûts. C’est la raison derrière la recommandation de l’INESSS, l’an dernier, même si elle reconnaissait au Spinraza une certaine efficacité. Au Royaume-Uni, dont le système de santé ressemble beaucoup au nôtre, le pendant britannique de l’INESSS a lui aussi recommandé à l’État de ne pas rembourser le Spinraza

Alors je vous pose une question pour vos méditations du temps des fêtes : demain matin, à qui faites-vous le plus confiance pour avoir accès aux traitements dont vous avez besoin? À l’État, ou à un système où un minimum de concurrence existe?

Joyeuses fêtes et bonnes réflexions et, surtout, de la santé en 2019!

Patrick Déry est analyste en politiques publiques à l’Institut économique de Montréal. Il signe ce texte à titre personnel.

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