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Textes d'opinion

Non, les Canadiens ne paient pas moins d’impôts que les Américains

Un récent rapport de l’OCDE suggère que les Canadiens paient maintenant moins d’impôts que les Américains. Il faut cependant amener tellement de nuances à ce résultat qu’il est bien peu utile dans les débats sur le poids de la fiscalité.

Une première nuance, évidente, est que le rapport fait une moyenne pour l’ensemble du Canada. Cependant, la situation est bien différente d’une province à l’autre. Le Québec, par exemple, présente l’un des pires fardeaux fiscaux de l’OCDE, et le revenu disponible des ménages y est le plus faible au pays. Les conclusions du récent rapport de l’OCDE ne s’appliquent donc pas à la situation du Québec.

Une seconde nuance est que les comparaisons internationales sont généralement difficiles à faire et que plus la mesure utilisée est sophistiquée, plus la comparaison est complexe. Dans le cas présent, le rapport compare les revenus et les impôts du travailleur moyen dans plusieurs industries. Cependant, pour ne donner qu’un exemple, l’enseignant moyen canadien n’occupe peut-être pas le même rang dans l’échelle des revenus au Canada que l’enseignant moyen américain aux États-Unis. Il s’agit de questions méthodologiques complexes qui font que dans certains cas, il est tout à fait possible que le rapport de l’OCDE compare des pommes avec des oranges.

Une troisième nuance à faire est que le rapport ne tient compte que des impôts directement liés aux salaires : les impôts sur le revenu, les cotisations pour l’assurance vieillesse publique, les charges sociales payées par l’employeur, ainsi que les sommes que le gouvernement verse directement aux ménages. Il ne tient pas compte d’autres taxes et impôts qui affectent les salariés, comme les taxes à la consommation, ou encore de l’impôt sur le revenu des entreprises, ce dernier étant en fait en majeure partie payé par les employés. Cela veut aussi dire que le rapport ne tient pas compte de la différence entre les services publics auxquels les travailleurs canadiens et américains ont accès par leurs gouvernements ou leurs employeurs, par exemple l’assurance maladie.

Une quatrième nuance à apporter est que l’OCDE utilise des données de 2017. Ces données ont beau être récentes, la réforme fiscale de l’administration Trump a sensiblement changé la donne, et ce à plusieurs niveaux. De nombreux taux d’imposition ont baissé et certaines déductions fiscales importantes sont maintenant plafonnées. Certes, ce ne sont pas tous ces changements qui sont susceptibles de faire chuter le Canada dans le classement par rapport aux États-Unis. Certains changements réduiront le fardeau fiscal des travailleurs américains, tandis que d’autres l’augmenteront. Pour avoir une idée plus précise de l’effet des réformes, on devra attendre la prochaine édition du rapport.

Une dernière nuance, enfin, est que si l’on fait appel à d’autres comparaisons très simples de notre fardeau fiscal par rapport au fardeau américain, utilisant d’autres données de l’OCDE, le portrait n’est pas du tout le même. Le fardeau fiscal de l’impôt sur le revenu des particuliers aux États-Unis est de 10,5 % du PIB, alors qu’il est de 11,6 % au Canada. Le taux marginal maximal est de 46,3 % aux États-Unis et de 53,5 % au Canada. Les seuils à partir desquels ces taux s’appliquent sont aussi beaucoup, beaucoup plus bas au Canada. Le fardeau des taxes à la consommation, comme la TPS et la TVQ, qui affectent grandement les ménages, représente 5,7 % du PIB au Canada et seulement 2,9 % aux États-Unis.

Cela dit, il est probablement vrai qu’un travailleur gagnant moins de 40 000 $ par année s’en tire mieux au Québec qu’aux États-Unis, en particulier lorsqu’on tient compte des services publics disponibles au Québec. Dans le reste du Canada, la réponse est moins tranchée. Pour un travailleur aisé gagnant plus de 100 000 $, l’avantage va sans conteste aux Américains. Et, même s’il existe toutes sortes de cas d’espèce, dans l’ensemble, le portrait fiscal apparaît plus favorable aux travailleurs américains.

Mathieu Bédard est économiste à l’Institut économique de Montréal. Il signe ce texte à titre personnel. (Lien d’origine)

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