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Textes d'opinion

Pourquoi la dette du Québec continue-t-elle d’augmenter?

Le gouvernement du Québec a récemment présenté un budget équilibré, malgré une augmentation des dépenses. Il a aussi annoncé qu’il allait puiser 10 milliards $ d’ici cinq ans dans le Fonds des générations afin de rembourser une partie de la dette publique. Pourtant, sur le site web de l’IEDM, le compteur de la dette québécoise continue de tourner, et la cadence a même légèrement augmenté à l’annonce du budget. Comment est-ce possible?

D’abord, le budget tel que présenté ne tient pas compte de certaines opérations budgétaires et financières, ce qui est conforme à la Loi sur l’équilibre budgétaire. La loi, mise en place en 2006 lors de la création du Fonds des générations, force en effet le gouvernement à tenir compte de certains revenus qui ne donnent pas réellement lieu à des entrées de fonds. Par exemple, chaque année, tous les profits d’Hydro-Québec sont comptabilisés, bien que seulement les trois quarts soient vraiment versés au gouvernement (le dernier quart est considéré comme un investissement).

Cette loi fait aussi en sorte que le gouvernement ne tient pas compte de certaines dépenses d’immobilisation. C’est par exemple le cas des dépenses du (PQI), annoncé en grande pompe cette année et dans le cadre duquel le gouvernement va dépenser 100 milliards $ d’ici dix ans pour le transport en commun, le réseau routier et d’autres infrastructures. Cette somme n’est pas prise en compte lorsque le gouvernement équilibre le budget.

Cette façon de présenter les choses peut en partie s’expliquer par la difficulté qu’ont les gouvernements à traiter les investissements. Puisque les immobilisations s’étalent sur plusieurs années et que les générations futures vont aussi profiter de ces dépenses, il y a eu une certaine volonté de les étaler dans le temps.

L’impact du Fonds des générations

Toutefois, dans les faits, le gouvernement continue de dépenser plus qu’il n’a de recettes, même si l’équilibre budgétaire au sens de la loi est atteint chaque année depuis 2015-2016. Ainsi, même si le gouvernement va utiliser des sommes provenant du Fonds des générations, à hauteur de 2 milliards $ par année pendant cinq ans pour rembourser la dette, celle-ci va continuer d’augmenter. Pour autant, le Fonds va continuer d’augmenter puisque le gouvernement continuera d’y verser plus qu’il n’en retire et que le Fonds génère un rendement financier positif. Ce fonds va donc essentiellement croître moins rapidement que ce qui était prévu.

Selon le gouvernement, la dette brute du gouvernement va augmenter de 4,9 milliards $ cette année, et selon les estimations de l’IEDM, la dette du secteur public (mesure utilisée par le Vérificateur général et qui inclut la dette des universités, des municipalités et des autres entreprises sous la responsabilité du gouvernement, qui s’est engagé à honorer leur dette) va augmenter de 5,6 milliards $ d’ici le 31 mars 2019.

Ainsi, la dette du secteur public québécois dépasse maintenant les 273 milliards $. C’est l’équivalent d’un endettement de 130 200 $ pour une famille de quatre personnes ou de 66 200 $ par contribuable imposable. Bien qu’il soit vrai que la dette brute du Québec par rapport au PIB va diminuer ces prochaines années, le Québec reste la province où cette proportion est la plus élevée après Terre-Neuve-et-Labrador.

Ce n’est cependant pas cette comparaison pancanadienne qui explique la décision d’utiliser de façon anticipée le Fonds des générations pour rembourser la dette. D’une part, les experts s’attendent à une correction boursière ainsi qu’à une hausse des taux d’intérêt au cours des deux prochaines années qui pourrait diminuer la valeur et le rendement du Fonds, ainsi que faire augmenter le coût de la dette. Mais aussi, il existe un risque politique que le Fonds soit utilisé à d’autres fins. Il suffit de penser au Fonds vert, dont les utilisations pour des projets autres que son objectif initial sont régulièrement révélées par Le Journal de Montréal. L’utilisation du Fonds des générations pour rembourser la dette est donc une bonne décision, qui a d’ailleurs été saluée par l’une des grandes agences de notation.

Voilà qui explique le paradoxe de nos finances publiques : bien que les budgets soient à l’équilibre depuis quelques années, la dette continue de croître. Pour qu’elle diminue vraiment, en termes réels, il faudrait que le gouvernement dépense moins… et n’augmente pas ses dépenses à l’approche des élections!

Mathieu Bédard est économiste à l’Institut économique de Montréal. Il signe ce texte à titre personnel.

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