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Textes d'opinion

L’assurance dentaire universelle, une fausse bonne idée

Québec solidaire a récemment promis de mettre sur pied une assurance dentaire publique universelle s’il était porté au pouvoir, une mesure dont le parti évalue le coût à près d’un milliard. La proposition, sans doute bien intentionnée, cherche à réparer ce qui n’est pas brisé, ou plutôt risque de briser ce qui n’a pas besoin d’être réparé.

Toute proposition de politique publique devrait être basée sur la réalité chiffrée, et non sur les perceptions. Par exemple, on ne peut pas demander une augmentation des dépenses en santé en affirmant qu’elles ont diminué du quart depuis 25 ans, alors qu’en réalité elles ont doublé.

Québec solidaire veut donc que 100 % des soins dentaires soient remboursés pour les personnes de 18 ans et moins et les bénéficiaires de l’aide sociale, de même que 80 % des soins de prévention (les nettoyages) et 60 % des soins curatifs (les réparations de caries) pour les adultes. La justification est que le quart des Québécois disent ne pas avoir eu d’examen ou de soins dentaires au cours des 12 derniers mois, en raison du coût des services. Cela correspond à l’estimation du Commissaire à la santé et au bien-être, qui montre que certains pays d’Europe font un peu ou même beaucoup mieux que nous, tandis que l’Ontario et le reste du Canada font un peu moins bien. Cependant, je ne suis pas d’accord avec les raisons invoquées pour expliquer cet état de fait.

D’abord, les gens qui reçoivent de l’aide sociale depuis au moins 12 mois peuvent déjà recevoir des soins dentaires gratuitement. Pour les autres, s’ils n’ont pas d’assurance dentaire, un examen annuel peut représenter des frais d’environ une centaine de dollars. Ce n’est probablement pas la dépense la plus plaisante à faire, mais il faut garder en perspective que près des deux tiers des adultes québécois possèdent un téléphone intelligent, et que 84 % sont abonnés à un service de télévision, ce qui peut représenter des dépenses de plusieurs centaines de dollars par an.

Quel est le lien? Peut-être que bien des Québécois, comme d’autres, n’aiment pas aller chez le dentiste, et que cela affecte leurs priorités. Le gouvernement offre gratuitement les soins dentaires aux enfants de 9 ans et moins, ce qui inclut un examen annuel. Pourtant, à peine la moitié des parents québécois se prévalent de ce service pour leurs enfants.

Un autre drôle d’argument est invoqué pour justifier une couverture universelle, soit que la carie dentaire serait la première cause d’hospitalisation des enfants d’âge préscolaire. Comme les soins sont déjà couverts chez les jeunes enfants, le problème est manifestement ailleurs. Mais on peut difficilement forcer les gens à se brosser les dents ou à s’occuper de celles de leurs enfants!

(Il semble aussi y avoir confusion avec une étude qui avait montré que la carie était à l’origine du tiers des chirurgies d’un jour chez les enfants, ce qui n’est pas la même chose.)

L’autonomie aux hygiénistes

Une autre proposition de Québec solidaire aurait probablement un impact plus immédiat, être plus d’être réaliste. Il s’agit de permettre aux hygiénistes dentaires de pratiquer sans être supervisées par un dentiste, comme cela se fait dans les autres provinces. C’est une excellente idée, qui devrait faire diminuer les coûts pour le patient. Il y a d’ailleurs une analogie à faire avec la plus grande autonomie à accorder aux infirmières pour des actes pour lesquels elles ont été formées, qu’il s’agisse d’étendre la pratique des superinfirmières ou même d’autoriser l’établissement de cliniques d’infirmières sans médecin, deux idées qui vont de soi et que le Québec tarde à embrasser pleinement.

Enfin, la raison probablement la plus importante pour ne pas aller vers une assurance dentaire publique universelle est que le système actuel fonctionne assez bien, que la santé dentaire des gens s’améliore constamment, et que dans des pays où l’on a mis ce genre de mesure en place, par exemple la Finlande, la logique de contingentement a pris le dessus, et l’accès est devenu beaucoup plus compliqué, notamment en raison de temps d’attente importants.

Ça vous rappelle quelque chose?

Patrick Déry est analyste en politiques publiques à l’Institut économique de Montréal. Il signe ce texte à titre personnel.

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