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Textes d'opinion

Pourquoi mêler la politique aux Air Miles?

Un nouveau projet de loi cherche à empêcher aux programmes de récompenses de modifier leurs règles et interdire l’expiration des points. En effet, Air Miles avait annoncé, il y a de ça plusieurs années, qu’à partir du 1er janvier dernier les points de récompense vieux de plus de 5 ans arriveraient à expiration.

Pourtant, on peut se demander quelle utilité pourrait bien avoir ce projet de loi étant donné qu’Air Miles s’est ravisé et a abandonné cette nouvelle politique, devant le tollé qu’elle avait provoqué.

Le projet de loi vise également à empêcher les programmes de récompenses de modifier la valeur de leurs points. Mais c’est malheureusement, parfois, inévitable. La valeur de toutes les choses qu’on possède fluctue constamment, que ce soit les maisons, les voitures, ou les actions en bourse. Il n’y a vraiment aucun bien dont la valeur soit stable dans le temps, même la monnaie peut s’apprécier ou se dévaluer (pensez à vos prochaines vacances aux États-Unis et rappelez-vous combien vous avaient coûté celles d’il y a trois ans…).

Question de réputation

Ça ne veut pas pour autant dire que les consommateurs n’ont aucune protection. Ils peuvent compter sur la réputation des opérateurs de programmes de points. « Si vous perdez de l’argent pour l’entreprise suite à de mauvaises décisions, je serai compréhensif. Si vous perdez la réputation de l’entreprise, je serai impitoyable », a déjà dit le milliardaire américain Warren Buffet.

Si certains programmes de récompense perdent leur réputation, leurs utilisateurs ainsi que les commerçants vont cesser d’utiliser leurs cartes.

La meilleure garantie que les points d’un programme de fidélisation vont conserver une valeur stable est justement la fragilité de ce lien de confiance. Si ce lien devait subitement être rompu par une dévaluation déraisonnable des points, les programmes de récompenses contrediraient leur objectif premier, soit celui de fidéliser leur clientèle.

Pour autant, parfois il est nécessaire pour ces programmes de faire varier la valeur des points. Ceux-ci sont comme une forme de dette, que les consommateurs peuvent exiger de se faire rembourser immédiatement. C’est un peu comme si la banque pouvait exiger que vous remboursiez l’ensemble de votre hypothèque du jour au lendemain.

Il ne s’agit pas ici de s’apitoyer sur le sort de ces entreprises de programmes de récompense, mais de reconnaître que les points non réclamés représentent pour elles un risque financier qu'elles doivent s’efforcer de gérer, tant bien que mal. En faisant fluctuer la valeur des récompenses, elles peuvent s’assurer de rester en santé financière et de continuer à pouvoir honorer tous les points.

Une loi qui empêcherait ce genre de gestion du risque finirait par faire en sorte que les programmes de fidélité récompensent leurs usagers par des offres moins intéressantes ou par un nombre de points réduit.

Bien des désaccords entre des entreprises et leurs clients se règlent sans que la loi ou la politique ne s’en mêlent. Le renoncement d'Air Miles à sa politique d’expiration des points après cinq ans en est simplement un autre exemple. Faire une loi maintenant pour empêcher ce genre de chose, c’est un peu comme envoyer la cavalerie après la fin de la bataille!

Mathieu Bédard est économiste à l'Institut économique de Montréal. Il signe ce texte à titre personnel.

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