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Textes d'opinion

Petrowski c. McSween (les artistes et la notion de coûts d’opportunité)

En lisant la chronique de Madame Nathalie Petrowski intitulée J'aurais voulu être un PDG, en réaction à un texte de Pierre-Yves McSween, plusieurs réflexions m'ont traversé l'esprit. Même si M. McSween a répliqué à la chroniqueuse, je crois qu'il s'agit ici d'une belle occasion de faire un peu d'économie 101.

Tout d'abord, pourquoi diable certains travailleurs (serveurs de restaurant, chauffeurs de taxi, infirmières, etc.), dont la grande majorité a des revenus somme toute modestes, seraient appelés à en financer d'autres, simplement parce que ces derniers ont fait le choix (par ailleurs tout à fait légitime) de mener une carrière artistique? Et avant qu'on me réponde que, dans le monde imaginaire de Madame Petrowski et de ses amis, ce sont uniquement les méchants PDG qui paieraient la note, il est bon de se souvenir que même la totalité des importants revenus de ces derniers représente en fait une portion minuscule des dépenses totales des gouvernements, soit 0,13%.

Mais tenons tout de même pour acquis, pour fins de discussion, qu'il faille effectivement maintenir, voire augmenter, le financement étatique (directs ou par voie de déductions fiscales) dédié aux artistes. Alors, de combien faudrait-il l'augmenter? 10%? 20%?… 100%? Ces subsides devraient-ils être disponibles seulement aux artistes qui crèvent de faim, ou aussi à ceux dont les revenus sont nettement plus élevés que ceux de la moyenne des travailleurs?

Auquel cas, Madame Petrowski a-t-elle seulement déjà entendu parler de la notion de «coûts d'opportunité», c'est-à-dire à quoi serait-elle prête à renoncer (ou, pour être plus précis, voudrait-elle que les contribuables-consommateurs-citoyens renoncent) en échange de ce financement accru? Qui plus est, je serais prêt à parier ma chemise que, si on lui demandait s'il fallait augmenter le budget du gouvernement dédié aux combats contre les changements climatiques, elle répondrait un «oui» enthousiaste. Même chose pour plus de financement en santé, en éducation, pour les autochtones, pour les garderies étatisées… etc…etc. Toutefois, on a généralement droit au silence radio le plus complet quand on a le malheur de poser aux membres de la République du Plateau (il s'agit ici d'un lieu idéologique et non strictement géographique) la question suivante: parmi toutes ces priorités, lesquelles faudrait-il prioriser, et ce dans quelle mesure?

Pour l'avoir personnellement expérimenté au cours des 16 dernières années, cette question est généralement considérée comme étant un réflexe «de droite». Pourtant, la réalité des coûts d'opportunité s'applique à tous, et ce, indépendamment de leurs préférences idéologiques ou encore de leur niveau de revenus. Même le multimillionnaire doit faire des choix, et ce faisant, renoncer à d'autres possibilités, ne serait-ce qu'aux fins de l'usage de son temps, ce qui est la ressource ultime dont nous finirons tous par manquer un jour puisque nous sommes tous mortels.

Enfin, peut-on démontrer que ce financement aux artistes a effectivement pour effet d'augmenter la quantité et/ou la qualité de la production artistique totale? On peut présumer que oui. Toutefois, une augmentation de 10% de ce financement aurait-elle pour effet d'augmenter cette production de 10%?, de 5%?, de 50%? Ce financement est-il plus efficace quand il est octroyé sous forme de bourses aux artistes jugés les plus méritoires par des comités de bureaucrates, ou, au contraire, quand il est disponible à tous par le biais de crédits d'impôt? Aider les artistes, y compris les écrivains anonymes, à pouvoir «bien s'habiller et bien de se maquiller», même quand c'est pour aller au dépanneur, a-t-il pour effet de stimuler d'une quelconque façon cette production artistique? Ces argents ne pourraient-ils pas avoir plus d'impact s'ils étaient dépensés autrement?

Que l'on soit «de gauche» ou «de droite», il faut savoir se poser ce type de questions difficiles et précises, quand on a un minimum de sérieux. Avoir de bons sentiments ne suffit tout simplement pas.

Michel Kelly-Gagnon est président et directeur général de l'Institut économique de Montréal. Il signe ce texte à titre personnel.

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