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Textes d'opinion

Qu’est-ce qui réduit l’offre d’appartements à Montréal?

Récemment, les Comités logement du quartier de La Petite Patrie et du Plateau Mont-Royal ont publié des rapports dans lesquels ils accusent Airbnb de contribuer à la hausse du prix des loyers. Ces associations se plaignent d’une « pression à la hausse sur le prix des loyers » qui sont « trop élevés ».

Pour justifier ce raisonnement, les rapports soutiennent que les appartements offerts en location sur Airbnb ne peuvent plus être utilisés pour autre chose que la location annuelle régulière. Pourtant, si le coût élevé des loyers inquiète ces associations, elles devraient d’abord s’intéresser à d’autres causes bien plus importantes.

Mais avant tout, il y a une distinction importante que personne ne semble faire dans ce débat. Les associations qui s’opposent à ce genre de partage, que ce soit les Comités logement ou les concurrents d’Airbnb dans l’industrie hôtelière, utilisent les dates de disponibilités affichées sur le site pour dénoncer le fait que beaucoup d’appartements sont disponibles une grosse partie de l’année. Si les disponibilités affichées sur le site s’étendent à toute l’année, selon les critiques, c’est une preuve que personne n’y vit et que ces logements ne font plus partie du marché locatif régulier.

C’est pourtant faux. Le fait qu’un appartement soit listé sur Airbnb à longueur d’année ne signifie pas pour autant qu’il est inoccupé et réellement disponible toute l’année. Moi-même, étant un utilisateur enthousiaste d’Airbnb (mais ne l’ayant jamais utilisé au Canada), j’ai parfois loué des appartements entiers qui étaient normalement occupés, mais où les hôtes allaient vivre chez des proches, ou dans leurs maisons secondaires, le temps de ma location. Beaucoup d’hôtes mettent leur appartement en disponibilité en permanence, mais n’acceptent pas pour autant toutes les demandes. Ils peuvent refuser. Il m’est arrivé à quelques reprises de faire des demandes qui n’ont pas été acceptées. Les hôtes, j’imagine, avaient besoin de leur maison à ces dates et ne pouvaient s’absenter.

Ce n’est donc pas parce qu’on constate que des appartements sont « disponibles » toute l’année sur le site, qu’ils le sont dans la réalité. On ne peut pas prendre le nombre de ces appartements et établir un lien direct avec l’évolution des prix de l’immobilier ou des loyers à Montréal.

Les économistes et urbaniste connaissent d’ailleurs bien les raisons pour lesquelles les loyers sont chers dans plusieurs grandes villes. Ces causes sont bien antérieures à l’apparition d’Airbnb. L’accessibilité au logement est très largement attribuable aux règlements de zonage et aux plans d’aménagement urbains. Le but des règles de zonage est de restreindre l’usage qui est fait des édifices ainsi que leur taille. Quand ces règles deviennent trop restrictives, elles limitent l’offre de logement. La conséquence est que les prix des loyers augmentent.

L’économiste Assar Lindbeck est connu pour avoir écrit que « outre un bombardement, la meilleure façon de détruire une ville est par une politique de contrôle des loyers ». Il exagérait, bien sûr, mais les effets négatifs des politiques d’urbanisme sont largement documentés. Parmi ceux-ci, on note par exemple que le fardeau de ces politiques retombe démesurément sur les plus pauvres, puisque moins de logements à loyer abordable sont alors construits en faveur d’unités de logement plus luxueuses s’adressant à des locataires plus aisés.

Les conclusions des Comités logement ne passent tout simplement pas l’épreuve des faits. Comment prétendre qu’Airbnb a une plus grande responsabilité dans le prix des logements que, par exemple le contrôle des loyers, qui influence l’offre de logement au Canada depuis 1940? Ou encore, prétendre que le partage d’appartements a une plus grande influence que les différentes lois de zonage, qui ont fait leur apparition dans les années 1930?

Compte tenu à la fois d’un problème dans la mesure utilisée, mais aussi du fait qu’il y a d’autres facteurs que les économistes connaissent très bien et dont l’importance dépasse le partage d’appartements, les Comités logement font fausse route en amenant le débat sur le terrain des prix. S’ils cherchent un coupable au prix élevé des loyers en ville, ils devraient se tourner vers les politiques malavisées d’urbanisme que nous connaissons depuis des décennies.

Mathieu Bédard est économiste à l'Institut économique de Montréal. Il signe ce texte à titre personnel.

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