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Textes d'opinion

Financement participatif dans les entreprises: après les gadgets, l’investissement

Le Québec est la province canadienne où il y a le moins de création d'entreprises, loin derrière l'Alberta, le meneur de ce classement. Pourtant, en 2013 le Québec enregistrait 50 % des cas d'insolvabilité commerciale au Canada. L'une des principales difficultés auxquelles se heurte l'entreprise en amorçage et en démarrage est la difficulté à trouver du financement.

Le principe du financement participatif pourrait aider certaines entreprises à trouver des fonds grâce à de petites participations financières provenant d'un nombre important de petits épargnants. Bien que, techniquement, ce soit légal au Québec et dans le reste du Canada, plusieurs entraves réglementaires ralentissent l'éclosion d'un tel système.

Le financement participatif est un phénomène en expansion ces dernières années et qui pourrait remédier à la faiblesse de la création d'entreprises québécoises. Le public connaît maintenant le principe de base, soit faire appel à de petits dons d'un nombre important de personnes en échange de la participation à la conception ou à la mise en marché d'un produit. Sur les sites comme Kickstarter, GoFundMe ou Indiegogo, les entreprises ayant du mal à trouver du financement pour des produits innovants peuvent faire appel directement aux consommateurs pour des dons, la plupart du temps en échange d'articles promotionnels.

Le financement participatif peut aussi être charitable et les recettes être dirigées vers des personnes dans le besoin plutôt que vers des entreprises. Ça a par exemple été le cas lorsque des proches de Marie-Pier Gagné, cette jeune femme enceinte morte happée par une voiture juste en face de l'hôpital de Ste-Foy, avait réussi à récolter plus de 55 000 dollars pour aider sa famille.

La prochaine étape, celle qui pourrait vraiment lui donner un rôle important dans le paysage entrepreneurial au Québec, est le financement participatif pour participer au capital de l'entreprise. Au lieu de simples dons contre des gadgets, on achèterait sur ces plateformes des parts de l'entreprise et on participerait directement à son financement. Les internautes ne feraient pas qu'être donateurs, mais deviendraient de vrais partenaires et auraient droit à une petite portion des profits si l'entreprise décolle. C'est une façon innovante pour les petits épargnants de jouer aux « dragons » et ainsi participer à l'amorçage d'entreprises qui pourraient être de simples commerces locaux ou encore, pourquoi pas, les prochains Microsoft et Google.

Aux États-Unis, c'est déjà possible grâce à des plateformes spécialisées et maintenant aussi grâce à la plateforme Indiegogo, qui se spécialisait par le passé dans le financement participatif de projets artistiques. Toutefois, avant que ce nouveau mode de financement puisse vraiment fonctionner au Québec et dans l'ensemble du Canada, un certain nombre d'entraves réglementaires devraient être retirées et d'autres règles devraient être repensées pour s'y adapter.

Deux écueils plus spécifiques se dressent sur le chemin de ce type de financement pour le Canada, l'une du côté des entreprises et l'autre du côté des petits investisseurs.

Du point de vue des entreprises, il ne faudrait pas qu'accepter de petits financements implique des contraintes juridiques trop onéreuses en comparaison des fonds récoltés. Par exemple, lorsqu'une entreprise vend des parts à un investisseur qualifié, elle est obligée de publier des informations à propos de son fonctionnement et de sa santé financière et de tenir cette information à jour régulièrement. Ces obligations, bien qu'essentielles à plusieurs égards, peuvent coûter très cher aux entreprises. Lorsqu'elles le font en contrepartie d'un financement important, ces coûts sont facilement absorbés, mais pour les petites sommes qui seraient amassées grâce au financement participatif il n'est pas certain que ça en vaille toujours la peine. Avant que cette forme de financement soit viable au Québec et dans le reste du Canada, certains assouplissements de la réglementation seront certainement nécessaires.

Du point de vue des épargnants, de façon à les protéger il faudrait qu'ils aient la possibilité légale de revendre ces parts. Ils pourraient vouloir les vendre si, par exemple, le magasin de vêtement dans lequel ils ont investi ne fonctionne pas aussi bien qu'ils l'avaient espéré, mais aussi s'ils ont tout simplement besoin d'argent liquide pour faire face aux aléas de la vie. Le financement participatif, parce que c'est encore tout nouveau, n'offre pas forcément encore ces possibilités. Encore là, pour que ce soit possible, certaines règles qui encadrent l'investissement doivent être assouplies.

L'enjeu est de taille : faire du Québec et du reste du Canada un endroit où les entreprises en amorçage ont recours à un financement participatif de calibre international. Il reste du chemin à parcourir avant que cette source de financement puisse vraiment donner aux entrepreneurs le coup de pouce dont ils ont besoin.

Mathieu Bédard est économiste à l'Institut économique de Montréal. Il signe ce texte à titre personnel.

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