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Textes d'opinion

Pour en finir avec les barrières commerciales entre provinces

Au Canada, il est plus facile de faire du commerce avec des entreprises situées dans d'autres pays que des commerces situés dans d'autres provinces. Alors qu'un accord de libre-échange entre le Canada et l'Europe devrait bientôt être ratifié, il n'y a toujours pas de véritable libre-échange entre les provinces canadiennes. C'est une situation bien paradoxale, qui coûte chaque année une fortune aux consommateurs, soit entre 5 et 13 milliards de dollars.

Ces barrières au commerce interprovincial sont dues à des interdictions explicites, mais aussi à de simples différences entre les lois et règlements d'une province canadienne à l'autre, qui freinent le commerce. Il subsiste des différences quant au transport des marchandises, à la vente d'alcool, aux politiques agricoles, aux autorisations nécessaires pour exercer certains métiers, à l'enregistrement des entreprises et à l'accès aux marchés de capitaux.

Le Sénat, qui prône l'abolition de ces barrières, a récemment dressé une liste des « dix barrières intérieures les plus absurdes ». L'une d'elle: en Colombie-Britannique, certains types de camions ne peuvent être conduits que la nuit, mais uniquement le jour dans la province voisine de l'Alberta…

Un verdict rendu en mai par une cour du Nouveau-Brunswick sur le commerce de l'alcool entre les provinces suscite toutefois de l'espoir. Il remet en question le contrôle des monopoles étatiques provinciaux, comme la SAQ au Québec. Ce jugement déclare qu'une province n'a pas le droit d'interdire à ses citoyens de rapporter ou de faire venir un bien acheté dans une autre province. Par exemple, la SAQ ne pourrait pas empêcher les Québécois de commander sur internet de l'alcool en provenance d'autres provinces. On peut espérer que cela ajoutera une pression supplémentaire sur les provinces pour qu'elles fassent tomber les barrières au commerce entre elles.

Les obstacles artificiels entre les provinces ralentissent les investissements des entreprises et coûtent des milliards de dollars aux consommateurs chaque année. Une étude récente publiée dans le Canadian Journal of Economics chiffre les gains de productivité possible à 100 milliards $, soit l'équivalent de 2700 $ par Canadien.

Les barrières au commerce intérieur réduisent les opportunités d'affaires et la création d'emplois pour de nombreuses entreprises et coûtent à l'économie canadienne jusqu'à 7 % de son PIB chaque année.

L'accord sur le commerce intérieur qui est aujourd'hui en vigueur a été signé il y a un peu plus de 20 ans. Il n'a que peu contribué à libéraliser le commerce entre les provinces. Pourtant, sur la même période, le Canada a réussi à faire entrer en vigueur pas moins de 10 accords de libre-échange avec d'autres pays et conclure des accords en voie d'être ratifiés avec trois autres pays.

En 2014, les premiers ministres des provinces canadiennes se sont engagés à renégocier cet accord sur le commerce interprovincial. Mais cette nouvelle entente, qui devait voir le jour fin mars, se fait toujours attendre. Le Sénat demande maintenant au Parlement de légiférer avant le 150e anniversaire de la Confédération, en 2017. C'est un délai extrêmement long compte tenu des avantages d'une libéralisation du commerce intérieur.

Plusieurs barrières au sein même du Canada subsistent et empêchent l'économie canadienne d'atteindre son plein potentiel, tout en nuisant aux consommateurs. Dans ce contexte, il est impératif de libéraliser le commerce interprovincial. En ces temps de déficits et de plans de relance, rappelons qu'une telle mesure pourrait stimuler l'économie sans que cela coûte quoi que ce soit au gouvernement fédéral.

Mathieu Bédard est économiste à l'Institut économique de Montréal. Il signe ce texte à titre personnel.

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