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Textes d'opinion

Comment combattre la corruption ?

Le Québec et le reste du Canada ont fait face à plusieurs scandales de corruption ces dernières années.

La plupart du temps, la réponse consiste à nommer une autorité supplémentaire. C’est ce que le gouvernement du Québec vient de faire en annonçant la création d’un poste d’inspecteur général et d’une Autorité des marchés publics, en plus de demander à la vérificatrice générale d’enquêter sur l’attribution des contrats publics au MTQ.

Il ne fait aucun doute qu’une vérification plus serrée serait utile et permettra de déceler d’autre cas de corruption. Cependant, il s’agit toujours de répression et pas vraiment de prévention.

La solution durable pour réduire la corruption est de réduire la taille de l’État et créer davantage de concurrence.

La recherche économique démontre que la taille de l’État va de pair avec la corruption. En particulier, la réglementation économique est liée à la corruption. La relation va dans les deux sens : une réglementation excessive de l’économie donne lieu à la corruption et la corruption peut inciter un gouvernement à réglementer davantage l’économie, en favorisant une entreprise ou un secteur aux dépens des autres, ou aux dépens des citoyens. L’intervention de l’État peut par exemple avantager une entreprise en lui octroyant un contrat ou en tolérant qu’elle contourne la réglementation.

L'État « régulateur »

Les pays scandinaves sont parfois cités comme contre-exemples. Ce sont des pays qui ont la réputation d’avoir des États de taille importante, mais peu de corruption. Toutefois, la taille de l’État « régulateur », qui y est relativement petite, explique la particularité scandinave. Bien que les impôts soient élevés et que les dépenses de l’État représentent une part considérable de leur économie, les entreprises ont relativement peu de formalités administratives à suivre, d’autorisations à demander et de règlements à respecter. Lorsque l’analyse est réalisée à partir de cette mesure, ce contre-exemple n’est en plus un.

La corruption n’est donc pas une fatalité. En diminuant la taille de l’État régulateur, on diminue les occasions de corruption ainsi que la réglementation résultant de la corruption. Une autre politique efficace pour mitiger la corruption est d’avoir recours à une concurrence accrue.

Par exemple, dans le cas des marchés publics, une plus grande concurrence entre les entreprises soumissionnaires est un des remèdes à la corruption recommandés par l’OCDE. En effet, moins nombreux sont les concurrents à se disputer un marché public et plus il est facile pour le donneur d’ordre d’en écarter certains, ou pour les soumissionnaires de se mettre d’accord pour truquer l’appel d’offres.

En abrogeant les règles qui limitent le nombre de participants, comme les appels d’offres précisant une technologie ou une certification particulières, et en libéralisant le marché par des accords de libre-échange comme celui en cours de ratification entre le Canada et l’Union européenne, on augmente le nombre de soumissionnaires potentiels et le nombre de personnes qui surveillent de près les résultats.

Concurrence vertueuse

La concurrence ne concerne pas seulement les entreprises. Les représentants de l’État peuvent aussi être soumis à une concurrence vertueuse. En effet, la corruption est possible lorsqu’un seul représentant de l’État, ou un seul organisme, peut offrir une autorisation ou un permis, une situation comparable à celle d’un monopole. Si plusieurs organismes publics ont la possibilité d’offrir la même autorisation et si les utilisateurs ont la possibilité d’aller voir celui de leur choix, la corruption devient beaucoup plus difficile puisque les représentants de l’État corrompus sont alors mis en concurrence avec ceux qui sont intègres.

Cette solution est parfois employée pour réduire la corruption dans les services policiers. Si les criminels doivent soudoyer de multiples services de police, ayant chacun juridiction sur leurs activités criminelles, la taille des pots-de-vin peut, à certaines conditions, réduire progressivement jusqu’à disparaître complètement.

L’analyse économique permet de comprendre les incitations qui mènent à la corruption et les politiques qui peuvent la combattre. La taille de l’État et l’étendue de sa réglementation, ainsi que la concurrence, ont un effet direct sur celle-ci. Cette leçon ne date d’ailleurs pas d’hier, puisque l’historien et sénateur romain Tacite avait déjà noté il y a deux millénaires que « plus l’État est corrompu, plus il y a de lois ».

Mathieu Bédard est économiste à l'Institut économique de Montréal. Il signe ce texte à titre personnel.

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