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Textes d'opinion

Trop de réglementation tuerait la révolution Internet dans l’oeuf

Le gouvernement du Québec a dévoilé vendredi matin un nouveau plan d'action en économie numérique pour soutenir et accompagner la révolution du numérique. Le plan prévoit 288 millions $ de mesures allant des campagnes de sensibilisation à l’élargissement de certains crédits d’impôt pour le passage des entreprises vers le numérique. Pourtant, ce dont les entreprises ont besoin pour continuer à profiter de la révolution Internet n’est pas d’obtenir davantage d’aide et de soutien du gouvernement, mais plutôt que ce dernier n’entrave pas son développement.

Un récent rapport de la Banque mondiale a mis en évidence le rôle croissant des technologies de la communication dans notre économie. Parmi les pays économiquement matures, ce secteur représente en moyenne 21% de la croissance du PIB, alors que seule une partie des avantages d'Internet pour les entreprises et les individus sont reflétés dans ces chiffres. Pourtant, de mauvaises lois et de mauvais règlements pourraient menacer cette poule aux œufs d'or.

L'accès à Internet et son écosystème économique augmente la productivité dans pratiquement tous les secteurs de l'économie. Non seulement il fournit aux petites et moyennes entreprises un accès au marché mondial, mais leur donne également accès à des outils bureautiques, de logistique et de suivi des livraisons, et d'autres capacités qui étaient autrefois limitées aux grandes entreprises. L’économiste en chef de Google, Hal Varian, a inventé le terme « micro-multinationale » pour décrire comment Internet a mis les petites entreprises sur un pied d’égalité avec les grandes.

Pour les particuliers, Internet a créé de nouveaux marchés et de nouvelles opportunités d'emploi, aidant ainsi l'offre à répondre à la demande en rendant les marchés plus efficaces et concurrentiels, profitant ainsi à tout le monde. Il est maintenant de plus en plus facile de travailler avec des entreprises situées loin de la maison, sans quitter son foyer. À leur tour, ces technologies ont contribué à ce que la voix des consommateurs soit entendue. En canalisant le « surplus cognitif » mondial, Internet a permis aux marchés de devenir de plus en plus transparent. Ce changement s’est fait grâce aux revues de produits, aux blogues spécialisés, aux réseaux sociaux et à la participation collaborative, réduisant ainsi la capacité des intermédiaires à faire grimper les prix à travers leurs marges.

La plupart des technologies et services qui ont changé nos habitudes ont été élaborées dans un environnement d'affaires qu’on pourrait caractériser de réglementation « soft ». Cela peut être attribué, dans une certaine mesure, aux difficultés que les gouvernements ont eues à faire face à un marché en évolution rapide. Les applications Internet qui ont fait les manchettes récemment dans le monde entier sont de bonnes raisons de célébrer ce délai dans l’adoption de nouveaux règlements. Cela ne signifie pas que ces innovations ont été conçues hors de tout cadre légal, puisque le même Code civil et la même common law qui s’appliquent à l'économie traditionnelle s’appliquent également aux transactions sur Internet.

Mais alors que la révolution Internet commence à déborder des écrans et touche de plus en plus à l'économie réelle, elle a été accueillie froidement par les gouvernements. Puisque les parts de marché des industries plus anciennes sont contestées, il est tentant pour les élus de mettre fin à cette quatrième révolution industrielle en renouvelant les barrières à l'entrée pour les secteurs protégés de l'économie.

D’une manière générale, ces barrières à l'entrée sont des règlements obsolètes qui placent des limites strictes sur les consommateurs et les fournisseurs de services numériques. Les compagnies de taxi et les chaînes hôtelières, par exemple, se sentent menacées par la nouvelle concurrence mondiale représentée par les applications qui sont en mesure de contourner la réglementation, alors que l'effet de celle-ci était de nuire aux consommateurs en premier lieu.

Internet est un phénomène que nous tenons souvent pour acquis. Pourtant, maintenir en place la réglementation inutile ou adopter de nouvelles règles, même en apparence bénignes, pourrait avoir des effets négatifs importants sur le cercle vertueux de l'innovation numérique, où les gains de productivité réalisés grâce à Internet nourrissent d'autres investissements.

En particulier, les petites entreprises qui bénéficient d'Internet et les start-ups innovantes qui stimulent l'innovation sur Internet n’ont peu ou pas de présence dans les discussions sur les politiques publiques. Pourtant, les lois et règlements qui visent certaines industries peuvent avoir des effets négatifs importants sur d'autres industries et risquent d’affecter négativement ces petites entreprises.

Il est difficile pour la classe politique de voir les intrusions de l’économie d’Internet dans les industries traditionnelles autrement que comme une utilisation abusive des nouvelles technologies. Des règlements mal conçus pourraient ralentir le rythme de l'évolution de cet écosystème. Pourtant, il sous-tend l'investissement de milliards de dollars et profite pratiquement à tout le monde, des sommes bien supérieures au plan d'action en économie numérique et mieux ciblées. En ce qui concerne l'Internet, comme le reste de l'économie, le meilleur accompagnement que les gouvernements puissent assurer aux entreprises est l’assurance d’une réglementation et d’une fiscalité parcimonieuse.

Mathieu Bédard est économiste à l'Institut économique de Montréal. Il signe ce texte à titre personnel.

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