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Textes d'opinion

Quand le patient devient payant pour un hôpital

L’hôpital général juif, reconnu pour la qualité des soins et ses courts délais d’attente, est victime de son succès. Cet hôpital reçoit plus de visites à son urgence que tout autre hôpital de la province, la majorité provenant de l’extérieur du territoire normalement desservi. Certains font le déplacement depuis les Laurentides.

Il s’agit d’un problème pour l’hôpital général juif parce que chaque patient qui franchit les portes de son urgence représente un coût. Actuellement, les hôpitaux au Québec – comme presque partout ailleurs au Canada – reçoivent leur financement sous forme de budgets globaux établis en fonction des dépenses effectuées dans le passé, sans prendre en compte le volume de patients desservis.

On a longtemps justifié cette méthode en disant qu'elle est simple à administrer et pratique pour planifier la croissance des dépenses hospitalières. Sauf qu'on a oublié de demander l'avis du principal intéressé, le patient. Avec cette méthode, si le gouvernement et les hôpitaux veulent contenir les dépenses, ils doivent rationner les services en restreignant les admissions. De là les problèmes d'attente dans le système.  

À l’opposé, le financement à l’activité est fondé sur le nombre d’interventions médicales réalisées. Les hôpitaux reçoivent un paiement fixe déterminé pour chacune d’entre elles, comme un remplacement de la hanche. Résultat : chaque patient devient une source de revenus pour l’établissement. Il devient donc intéressant pour les administrateurs d'hôpitaux d’innover et de devenir plus efficace pour soigner plus de gens et améliorer l’accès.

Le ministre a déjà annoncé qu'il voulait adopter le financement à l'activité pour les hôpitaux, comme c’est le cas dans la plupart des pays développés. Dans les années 1990, l’Angleterre et la Norvège étaient aux prises avec des problèmes de listes d’attente et d’engorgement des urgences semblables à ceux du Canada. Ces deux pays ont vu l’attente pour une chirurgie non urgente diminuer à la suite de la mise en place graduelle du financement à l’activité. En Norvège par exemple, l'attente a diminué de 66 % entre 2002 et 2010.

En Angleterre, depuis que la quasi-totalité des soins hospitaliers est remboursée en vertu d'un système de financement fondé sur les activités, les hôpitaux traitent davantage de patients, et ce, sans nuire à la qualité des soins. Depuis 2002, le temps d'attente médian pour une chirurgie non urgente est passé de 13 à 4 semaines.

La rapidité avec laquelle les patients sont pris en charge aux urgences a aussi connu une nette amélioration, sans que d'autres aspects des soins en souffrent. Ainsi, 97 % des patients se présentant aux urgences reçoivent un diagnostic du médecin à l'intérieur du délai cible de quatre heures.

Certains diront que la qualité des soins doit nécessairement être négligée pour arriver à de tels résultats. C'est faux.

En Australie, une telle réforme a même contribué à une amélioration de la qualité des soins. Rien de surprenant puisqu’avec un financement à l’activité, les hôpitaux sont incités à prodiguer les meilleurs soins possible pour maintenir leur bonne réputation et attirer des patients.

Au Québec, le financement à l’activité se fera par étape. Il faut d'abord chiffrer le coût des différents soins donnés dans les divers hôpitaux, pour ensuite fixer un prix moyen pour chacun d'eux. Un mandat a d'ailleurs récemment été accordé à une entreprise, Logibec, pour procéder à cette analyse. Les données serviront à établir le budget qui sera alloué aux hôpitaux, cliniques et autres points de service pour leurs diverses interventions. 

Enfin, ajoutons qu'à lui seul, le financement par activité ne parviendra pas à tout régler. Cette réforme aurait un impact encore plus positif sur notre système de santé si l’on permettait également une plus grande liberté de choix des patients et l’instauration d’une véritable concurrence entre les fournisseurs de services. Le Québec et l’ensemble du Canada pourraient alors profiter des bénéfices qui découlent de ces réformes, comme ce fut le cas pour les pays d'Europe. 

Et, sait-on jamais, l'attente pourrait (enfin) diminuer à l'urgence.

Youri Chassin est économiste et directeur de la recherche à l'Institut économique de Montréal. Il signe ce texte à titre personnel.

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