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Textes d'opinion

Les ententes commerciales: fais ce que je dis, pas ce que je fais

En avril 2006, six «gros joueurs» du Casino de Montréal mènent une vie de château pendant trois jours à Augusta, dans l'État de Géorgie. Ils font l'aller-retour à partir de Montréal en avion. Leur hébergement, leurs dépenses et une ronde de golf au magnifique Jones Creek golf club – au coût de 300 $ la ronde – sont payés par le casino. Une valeur d'environ 10 000 $ par personne.

Pourquoi une telle générosité de la part de Loto-Québec? Pour offrir un traitement royal à leurs «gros joueurs» et fidéliser cette clientèle payante. Une compagnie qui offre à des détaillants ou à des gros clients des rabais, des voyages ou des cadeaux. Une «entente commerciale», quoi, de gré à gré, comme il s'en fait à peu près partout. Ça existe entre des fabricants de produits de toutes sortes et des détaillants ou des clients dans tous les domaines, que ce soit votre garagiste du coin, votre épicier ou votre boutique de vêtements préférée.

Ça existe aussi entre les dépanneurs et certains fournisseurs de produits. Par exemple, des grossistes alimentaires ont des ententes avec les dépanneurs tout comme plusieurs micro-brasseurs. C'est d'ailleurs une pratique qui aide les micro-brasseries à se faire connaître et à développer leur marché. C'est le genre d'entente qui profite au commerçant, mais plus important encore qui profite à vous et à moi, le consommateur. En raison de ces ententes commerciales entre entreprises consentantes, on finit tous par payer moins cher ou par recevoir une information plus adéquate en faisant nos achats.

Bon pour pitou, mais pas pour minou

L'État le fait, par l'entremise de Loto-Québec et ses casinos. La SAQ, également, signe des ententes avec des fournisseurs pour offrir un espace privilégié à leurs produits. Bref, à peu près tout le monde a le droit de conclure ce genre d'entente entre parties consentantes… Tous, sauf les cigarettiers – eux qui n'ont déjà même pas le droit de faire quelque publicité que ce soit, d'afficher d'une manière ou d'une autre leurs produits ou d'informer leurs consommateurs des nouveaux produits.

La commission parlementaire qui a étudié le projet de loi 44 sur le tabagisme a adopté la semaine dernière un amendement pour interdire les programmes de fidélisation des compagnies de tabac dans les dépanneurs. Il sera dorénavant interdit d'offrir aux dépanneurs «des ristournes, des gratifications ou toute autre forme d'avantages liés à la vente d'un produit de tabac ou à son prix de vente au détail».

Pourtant, comme le souligne l'Association québécoise des dépanneurs en alimentation du Québec (AQDA), «le gouvernement n'a aucune donnée démontrant que cette mesure fera baisser le tabagisme». Qui plus est, le tabac est un produit légal. Si les fabricants veulent signer librement des ententes avec des dépanneurs pour le bien des deux parties, le gouvernement ne devrait pas les interdire. C'est une question de principe. Mais dans ce dossier, le gouvernement n'a que faire des principes.

Donc, d'un côté, nous avons nos sociétés d'État du vice, comme Loto-Québec et la SAQ, qui n'ont aucun problème avec le fait d'encourager des joueurs ou de fidéliser des consommateurs d'alcool avec toutes sortes d'ententes commerciales. De l'autre côté, permettre des ententes entre un dépanneur et une compagnie de tabac, sans même avoir de preuve que cette entente entraîne plus de tabagisme, ça, c'est non! Deux poids, deux mesures, vous dites? Clairement, c'est l'exemple parfait de «fais ce que je dis, pas ce que je fais».

Jasmin Guénette est vice-président de l'Institut économique de Montréal. Il signe ce texte à titre personnel.

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