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La taxation indue des frais de gestion des fonds communs de placement

Avec l'augmentation de l'espérance de vie, il est de plus en plus important d'épargner pour sa retraite. Des programmes gouvernementaux comme le REER et le CÉLI encouragent les Canadiens à épargner en permettant de placer une partie de leur revenu à l'abri de l'impôt. Les gouvernements contredisent toutefois cet objectif en faisant gonfler indûment les frais de gestion des fonds communs de placement avec les taxes de vente.

Communiqué de presse : La taxation des fonds communs retarde de 5 mois les projets d'épargne des Canadiens

Annexe technique
 

En lien avec cette publication

Le traitement de défaveur réservé aux fonds communs de placement (Huffington Post Québec, 9 octobre 2015)

It's Time to Reduce Taxes on Mutual Funds (Huffington Post Canada, 8 octobre 2015)

   

La taxation indue des frais de gestion des fonds communs de placement

Avec l’augmentation de l’espérance de vie, il est de plus en plus important d’épargner pour sa retraite. Des programmes gouvernementaux comme le REER et le CÉLI encouragent les Canadiens à épargner en permettant de placer une partie de leur revenu à l’abri de l’impôt. Les gouvernements contredisent toutefois cet objectif en faisant gonfler indûment les frais de gestion des fonds communs de placement avec les taxes de vente.

Une imposition inéquitable

Les épargnes des Canadiens placés dans des fonds communs de placement, qui représentent 27,2 % de leurs investissements financiers(1), sont en effet taxées d’une façon inéquitable en comparaison des autres produits de placement. Alors que la part des taxes de vente intégrées à leurs frais de gestion est d’environ 8,2 %(2), les Canadiens ne paient qu’entre 1 % et 3 % en taxes de vente intégrées pour un certificat de placement garanti(3) et 0 % lorsqu’ils achètent directement des valeurs mobilières comme des actions ou des obligations(4).

De plus, la taxe de vente imposée aux fonds communs ne reflète pas les taux en vigueur dans chaque province, mais une moyenne des taxes de vente pratiquées dans les différentes provinces, pondérée selon la part de sociétaires d’un fonds provenant de chaque province. Concrètement, cela signifie que les sociétaires des quatre provinces de l’Ouest et des trois territoires paient des taxes provinciales aux provinces atlantiques, au Québec et à l’Ontario par l’entremise de leurs fonds communs de placement(5).

Il y a deux raisons à cette différence de traitement. Premièrement, puisque les fonds communs de placement sont des sociétés de fiducie(6), toutes les heures de travail qui leur sont consacrées, comme toutes les dépenses d’opération et de gestion, sont assujetties à la TPS et aux taxes provinciales dans les provinces où elles sont harmonisées. Ce n’est pas le cas pour la quasi-totalité des autres produits d’épargne-retraite. Ensuite, les fonds communs de placement ne peuvent pas se faire rembourser la TPS et les taxes provinciales qu’ils ont payées, comme le font habituellement les entreprises. Ces taxes viennent donc gonfler les frais de gestion et réduire le rendement des investissements.

Les seuls autres produits d’épargne comparables sont les fonds de pension, puisqu’ils sont aussi des sociétés de fiducie. Mais contrairement aux fonds communs de placement, ceux-ci peuvent se faire rembourser 33 % des taxes de vente(7).

En 1990, soit l’année précédant la mise en œuvre de la TPS, les actifs des Canadiens dans les fonds communs de placements représentaient approximativement 25 milliards de dollars, alors qu’ils représentent aujourd’hui 855 milliards de dollars(8). Le problème était donc moins pressant à l’époque qu’il ne l’est aujourd’hui. Cette situation a été empirée par l’harmonisation des taxes de vente fédérale et provinciales de 2006 à 2013(9), sans que les autorités ne s’intéressent à ses effets sur les placements des Canadiens.

L’effet sur la préparation à la retraite

Cette taxation, unique aux fonds communs de placement, peut représenter des sommes importantes. Pour un épargnant ayant placé 5000 $ par année pendant 25 ans dans un fonds rapportant en moyenne 8 % sans les frais de gestion, ces taxes auront coûté 7307 $; pour un investissement de 10 000 $ par année pendant 25 ans, ce sera 14 614 $; et pour un investissement annuel de 20 000 $ sur la même durée, la part des taxes s’élèvera à 29 228 $(10).

Toujours avec les mêmes hypothèses, peu importe le montant investi, il faudra mettre 5 mois de plus à atteindre l’objectif pour un projet d’investissement qui aurait pris 25 ans sans taxes, 6 mois de plus pour un projet qui aurait pris 30 ans, et 9 mois de plus pour un projet de 40 ans(11). Pour compenser le manque à gagner, les épargnants sont donc obligés de contribuer plus, de se contenter de moins, ou de reporter leur retraite à plus tard.

Conclusion

Les fonds communs de placement restent bien sûr un type d’investissement avantageux. D’une part, parce que c’est une façon de déléguer la gestion de son portefeuille à un expert. D’autre part, parce que cela permet de mettre en commun ses investissements avec ceux de plusieurs autres épargnants et de profiter ainsi des avantages liés à un portefeuille de grande taille.

Les réformes successives aux taxes de ventes canadiennes ont toutefois créé une situation particulière qui leur impose un fardeau fiscal beaucoup plus élevé que pour les autres produits d’investissement, ce qui ralentit la préparation des Canadiens à leur retraite.

On pourrait remédier à cette situation en appliquant par exemple les mêmes règles qui s’appliquent aux fonds de pension, à savoir un remboursement équivalent à 33 % des taxes de vente payées. Une autre solution serait de remplacer les taxes de vente par une taxe compensatoire, plus équitable, comme c’était le cas avec la taxe de vente du Québec jusqu’à l’harmonisation des taxes de vente provinciales canadiennes. Ou encore, on pourrait généraliser la situation en vigueur dans les provinces ne participant pas à la taxe de vente harmonisée, et ne pas assujettir les fonds communs de placement aux taxes de vente provinciales.

La mise en place de l’une ou l’autre de ces réformes mettrait fin à une situation désavantageuse qui n’a pas de raison d’être, surtout dans un contexte où les gouvernements cherchent à encourager l’épargne-retraite.

Ce Point a été préparé par Mathieu Bédard, économiste à l’IEDM. Il est titulaire d’un doctorat en sciences économiques d’Aix-Marseille Université, et d’une maîtrise en Analyse économique des institutions de l’Université Paul Cézanne.

Références

1. Investor Economics et Strategic Insight, « Monitoring Trends in Mutual Fund Cost of Ownership and Expense Ratios: A Canada—U.S. Perspective, 2015 Update », étude réalisée pour l’Institut des fonds d’investissement du Canada, mai 2015, p. 13.
2. Les taxes de vente appliquées par l’Agence du revenu du Canada sont une moyenne des taxes de vente pratiquées dans les différentes provinces, pondérée selon la part de sociétaires d’un fonds provenant de chaque province. Nous utilisons l’approximation tirée d’Investor Economics et Strategic Insight, Ibid., p. 10.
3. Il s’agit d’une hypothèse basée sur des coûts d’intrants équivalant à 20 % des frais de gestion totaux payés par la banque émettant le certificat. Puisque les taux de taxation varient d’une province à l’autre, la part des taxes de vente intégrées n’est pas la même dans l’ensemble des provinces. Selon cette hypothèse, cette part serait donc de 2,995 % au Québec, de 2,6 % en Ontario, de 3 % en Nouvelle-Écosse et de 1 % pour une banque concentrant ses activités en Alberta. Agence du revenu du Canada, Taux de la TPS/TVH, 7 novembre 2014; Revenu Québec, Perception de la TPS et de la TVQ, calcul des taxes. Voir l’Annexe technique sur le site de l’IEDM pour plus d’explications.
4. Puisque les entreprises se font rembourser la TPS et les taxes de vente provinciales.
5. Dans les sept provinces et territoires où les taxes de vente ne sont pas harmonisées, seule la TPS (5 %) s’applique. Dans les autres provinces, le taux est égal au total de la TPS et de la taxe de vente provinciale. Pour une explication en détail de ce problème, voir Red Deer Chamber of Commerce, « Exempt Alberta from Paying HST », Policy, 2014.
6. « Une société de fiducie est une institution financière régie par une loi provinciale ou fédérale et qui exerce des activités similaires à celles d’une banque. Cependant, vu son rôle de fiduciaire, elle peut administrer des successions, des fiducies, des régimes de retraite et des contrats d’agence, ce que les banques ne sont pas habilitées à faire. » Bureau du surintendant des institutions financières, Entités réglementées, 23 octobre 2014.
7. Agence du Revenu du Canada, Le remboursement de la TPS/TVH à l’intention des entités de gestion, 8 octobre 2010, p. 8.
8. Autorité des marchés financiers, « Les organismes de placements collectifs », 2006, p. 4; Institut de la statistique du Québec, « Fonds communs de placement au Québec : Premier trimestre 2015 », juin 2015, p. 1.
9. Auparavant, les fonds communs de placement pouvaient se faire rembourser en partie ou en totalité la taxe de vente provinciale, comme la plupart des entreprises. En revanche, elles n’ont jamais pu se faire rembourser la TPS, contrairement aux autres entreprises. KPMG, « Conseils fiscaux Canada », Bulletin, 14 aout 2012.
10. Calculs de l’auteur. Voir l’Annexe technique sur le site Web de l’IEDM pour des explications additionnelles.
11. Idem.​

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