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Textes d'opinion

Et si le Québec s’inspirait de la France pour un système universitaire plus performant

Le «printemps érable» de 2012 au Québec a lancé un débat sur les politiques d'enseignement supérieur qui perdure encore aujourd'hui. Tout récemment, le chef de l'opposition officielle à l'Assemblée nationale et leader du Parti québécois, Pierre Karl Péladeau, affirmait vouloir se pencher sur la gratuité scolaire, lui qui a fait une partie de ses études aux universités Paris VIII-Vincennes et Paris II Panthéon-Assas. Une conférence portant sur un «système d'éducation pour le 21e siècle» se tiendra à la fin du mois de septembre. Les syndicats, les associations étudiantes et les partis politiques se positionnent quant à l'avenir des politiques éducatives. Évidemment, notre institut participe à ces débats avec notamment ce court documentaire intitulé «Des idées pour un système universitaire plus performant» qui se penche sur les Grandes Écoles en France.

Dans des billets précédents, j'ai abordé la question de la gratuité universitaire et son influence sur l'équité du système et la qualité de l'enseignement, ainsi que la question de la concurrence apportée par les Grandes Écoles en France, qui pourraient à certains égards être un modèle pour le Québec.

Le système universitaire québécois est sur certains points similaires au système d'enseignement supérieur français. Les frais de scolarité que les universités peuvent exiger sont rigoureusement encadrés et ne représentent qu'une mince partie du coût total des études. Cependant, alors que les Français ont accès à une alternative plus libre, et en concurrence avec l'université publique, à travers les Grandes Écoles, les Québécois doivent se contenter d'un seul et même système pour toutes les universités.

Parce qu'on prive les universités québécoises de la liberté de fixer leurs propres frais de scolarité, elles sont systématiquement sous-financées. À l'université de Sherbrooke uniquement, c'est 82 postes de professeurs qui sont vacants et ne seront pas comblés à cause d'un manque de ressources.

Pourtant, la part de financement que les universités québécoises reçoivent du gouvernement provincial est comparable avec ce qui se fait ailleurs. Par rapport aux universités des autres provinces canadiennes, le manque à combler provient de la part qui reste à la charge des étudiants et équivaut à un quart du budget des universités québécoises. Permettre aux universités québécoises de fixer elle-même leurs frais de scolarité, en fonction des différents programmes, un peu comme c'est le cas dans certaines Grandes Écoles françaises, permettrait de remédier à cette situation.

Une des craintes des étudiants québécois lors du printemps érable était que les familles moins fortunées ne pourraient alors plus se permettre d'envoyer leurs enfants à l'université. À cet égard, les Grandes Écoles françaises pourraient servir d'inspiration pour le Québec. Elles proposent des solutions de financement aux étudiants issus de la classe moyenne et des milieux populaires. Ces ressources financières, prêts ou bourses, sont parfois mises à leur disposition par des banques, parfois par des fondations, ou par des activités de parrainage. Ce système semble efficace puisque tous les directeurs de Grandes Écoles que j'ai rencontrés m'ont confirmé que jamais un étudiant ne s'était fait refusé l'accès à leurs établissements pour des raisons financières.

En dépit de l'uniformité des frais de scolarité dans toutes les universités du Québec, certaines offrent assez clairement de meilleures formations dans certains domaines que d'autres. Ainsi, il ne semble pas normal de faire payer autant à un étudiant s'inscrivant dans un programme de troisième zone qu'à un étudiant s'inscrivant dans un programme très réputé et qui lui assurera un revenu plus élevé une fois sur le marché du travail. Ces étudiants qui peuvent espérer de meilleurs emplois grâce à leur meilleure formation paient aussi peu pour leurs études que les étudiants à qui les statistiques de placement professionnel prédisent plus de difficultés. En permettant aux universités de fixer les frais de scolarité en fonction de la demande pour ces formations, on obtiendrait un système plus équitable, et qui traduit la réalité du marché de l'emploi.

D'autre part, moduler les frais d'inscription permettrait d'instaurer une saine gestion des universités. Les différences et les particularités de chacune s'exprimeraient à travers les prix des différentes formations, et les universités les moins bien cotées seraient forcées d'améliorer leur gestion. Cette discipline induite par les prix les pousserait alors à concentrer leurs ressources dans les formations les plus en demande, celles qui promettent un meilleur avenir aux étudiants.

À cet égard, le système français des Grandes Écoles semble obtenir des résultats très encourageants. Elles ont obtenu un taux net d'emploi à la sortie de 76% à 86% entre 2010 et 2015. Le pourcentage des diplômés ayant trouvé un poste permanent à l'intérieur d'un an après la diplomation a été de 74% à 81% sur la même période, et entre 86% et 88% de ces diplômés avait un poste de cadre un an après la «diplomation». On peut donc dire que les employeurs apprécient grandement les formations offertes par les Grandes Écoles.

Somme toute, le système des Grandes Écoles françaises devrait servir de source d'inspiration au Québec lorsqu'il est question des réformes possibles de notre système d'enseignement supérieur. Notre documentaire, je l'espère, pourra servir de point de départ à une discussion de fond sur les effets pervers de la gratuité scolaire et les avantages pour les étudiants et la société dans son ensemble de permettre une plus grande liberté de choix afin d'avoir un système universitaire performant.

Jasmin Guénette est vice-président de l'Institut économique de Montréal. Il signe ce texte à titre personnel.

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