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Textes d'opinion

La piste inexplorée

Si plusieurs études universitaires internationales révélaient qu’il y a moyen d’améliorer les résultats scolaires, tout en améliorant la condition des enseignants, tout en ayant une plus grande diversité de l’offre dans notre système scolaire et que ça ne coûterait pas un sou supplémentaire à l’État, vous diriez quoi ?

Tenez-vous bien, parce que ce n’est pas une question rhétorique. Les études internationales à propos des écoles secondaires suggèrent vraiment qu’on peut améliorer la qualité du système d’éducation pour tout le monde en misant sur deux principes. Il s’agit de l’autonomie pédagogique et de la responsabilisation des enseignants et directeurs d’établissements.

L’autonomie pédagogique signifie que les enseignants et les directeurs d’établissement sont libres d’utiliser les méthodes, les techniques d’évaluation, les manuels, et les cours qu’ils jugent les meilleurs et les mieux adaptés à leurs élèves. La responsabilisation signifie qu’on peut comparer les résultats des différentes écoles et que ces comparaisons donnent lieu à des conséquences pour les enseignants et directeurs. Miser sur ces deux principes n’entraîne pas de dépense supplémentaire.

En effet, les études internationales démontrent que plus d’autonomie pédagogique, lorsqu’il y a responsabilisation des enseignants et directeurs, améliore les résultats. Par exemple, le Japon est le pays où les enseignants sont le plus libres de choisir leur matériel et leurs techniques de travail. Leurs étudiants arrivent aussi en tête des classements internationaux. À l’autre extrême, la Grèce et la Turquie sont parmi les endroits où les enseignants et directeurs ont le moins d’autonomie et les résultats de leurs élèves sont en queue des classements internationaux. Cette relation est valide, même lorsqu’on prend en compte les différences de niveau de vie.

Les deux principes de l’autonomie pédagogique et de la responsabilisation ne profitent pas uniquement aux élèves. Des études révèlent que des enseignants plus autonomes, et avec plus de liberté quant à leur pédagogie, sont plus heureux et tout simplement plus efficaces.

L’autonomie peut donc être vue comme une amélioration des conditions de travail des enseignants qui ne coûterait rien à l’État.

Ces études sont porteuses d’une deuxième bonne nouvelle. Elles révèlent que le système d’éducation québécois a le niveau d’autonomie pédagogique le plus élevé au Canada et qu’il possède déjà les bases nécessaires à un système de responsabilisation. La mauvaise nouvelle c’est que ce niveau d’autonomie pédagogique est tout même en dessous de la moyenne de l’OCDE et que, pour l’instant, on utilise peu ces bases de la responsabilisation pour améliorer notre système.

Profiter de ces principes reste tout de même un objectif atteignable. Sur le plan de la responsabilisation, par exemple, les comparaisons des notes des élèves et des taux de diplomation sont possibles à travers le Bulletin des écoles secondaires du Québec et les tests standardisés. Le système québécois profite donc déjà d’une certaine transparence qui peut rendre les comparaisons possibles, même si ces informations sont peu disponibles.

Il ne s’agit pourtant que de bases, le degré zéro de la responsabilisation. Pour que les enseignants et directeurs d’établissements soient vraiment responsabilisés, il faudrait que ces comparaisons amènent des conséquences bénéfiques lors des bons coups, et négatives lors des moins bons. Cela se concrétiserait par exemple par la rémunération au mérite, ou la simplification des procédures de congédiement des enseignants incompétents. On pourrait également permettre les inscriptions à l’école publique en dehors de leur zone de rattachement pour que les bonnes pédagogies soient récompensées par plus de demandes d’inscription.

Le système d’éducation québécois a aussi de la marge pour améliorer son autonomie pédagogique. Il est vrai que le Québec a une foule d’écoles avec des projets éducatifs, des pédagogies, ou encore des options et concentrations très variés. En revanche, il existe plusieurs obstacles bureaucratiques qui freinent les innovations. Alors que la loi prévoit l’approbation préalable par le ministère de l’Éducation, sinon la limitation des programmes particuliers à une poignée d’élèves, les études recommandent plutôt l’innovation sans avoir à demander de permission ainsi que la responsabilisation des enseignants et des directeurs.

Ces études internationales devraient être une source d’inspiration pour les réformes du système d’éducation québécois. À l’heure où l’on parle de réformer la gouvernance scolaire, il faudrait faire davantage confiance à nos enseignants et directeurs, tout en les responsabilisant par rapport à leurs décisions.

Mathieu Bédard est économiste à l'Institut économique de Montréal et auteur de « Autonomie pédagogique et responsabilisation : une recette pour améliorer les résultats scolaires ». Il signe ce texte à titre personnel.

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