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Textes d'opinion

Non, PKP n’est pas un «néolibéral»

L'élection récente de Pierre Karl Péladeau en tant que chef du PQ a fait couler beaucoup d’encre, et cela est normal. Certains chroniqueurs et même des professeurs de science politique ont affirmé dans les médias que son arrivée risque de créer un remous dans son parti, parce que M. Péladeau serait un politicien « néolibéral », ou en tout cas qu'il l'aurait déjà été. Voir notamment en ce sens une chronique d’Alain Dubuc.

Or, selon la définition que l’on trouve sur le site Wikipédia, le « néolibéralisme » est la dénonciation du développement excessif de l'État-providence et de l'accroissement des interventions publiques dans l'économie, et la promotion de l'économie de marché au nom de la liberté de l'individu et de l'efficacité économique.

Parmi les politiques « néolibérales » clés (je mets le terme entre guillemets car il s'agit essentiellement d'un terme péjoratif utilisé par les étatistes de tous horizons comme un homme de paille sur lequel on projette divers anathèmes), on retrouve la baisse du fardeau fiscal, la diminution du fardeau réglementaire et, de façon générale, une acceptation du constat que ce sont les entrepreneurs et les consommateurs qui, en interaction libre, peuvent le mieux atteindre un équilibre optimal. Le terme optimal étant compris du point de vue du respect des préférences individuelles de chacun et non pas en fonction de ce qu'une certaine élite pourrait juger bon ou mauvais.

Compte tenu de ce qui précède, peut-on raisonnablement associer M. Péladeau au « néolibéralisme »?

Certains aiment faire référence à son passé et aux décisions qu’il a prises afin d'assurer la pérennité et le développement de Quebecor, dont certaines ont déplu aux syndicats. D’une part, les prescriptions économiques des gens d’affaires pour leur entreprise, et celles qu’ils mettent de l’avant pour la société dans son ensemble, peuvent grandement différer. D'autre part, le fait d'avoir des relations houleuses avec les syndicats ne constitue pas, en soi, la preuve que quelqu'un est, ou n'est pas, un « néolibéral » (voir la définition et les explications fournies au 2e paragraphe de ce texte).

Par ailleurs, quiconque veut savoir si le nouveau chef du PQ est « néolibéral » en tant que politicien n’a d’autre choix, à ce stade-ci, que de se référer à sa plateforme électorale et à ses prises de position depuis son arrivée en politique.

En fait, si l'on se fie au programme économique qu'il comptait défendre s'il devenait chef du Parti québécois, tel que dévoilé en mars dernier, ceux qui ont peur qu’une vague « néolibérale » déferle sur le Québec peuvent se rassurer. En voici les grands axes :

  1. Élaborer des mesures pour réaliser la souveraineté du Québec en assurant le développement et la protection de nos sièges sociaux et en mettant en œuvre le concept de préférence québécoise;
  2. Définir les pouvoirs d'intervention économique des régions dans un Québec indépendant et les compétences d'un nouvel instrument majeur de soutien aux acteurs économiques : Développement Québec;
  3. Travailler sur les mesures visant à accélérer la lutte à l'évasion fiscale et aux paradis fiscaux, l'assainissement des finances publiques et la livraison des services publics pour doter le Québec d'un État juste et efficace;
  4. Proposer une application concrète du concept d'économie verte et durable par l'électrification des transports;
  5. Définir les bases d'une grande économie de partenaires et déterminer les mesures de concertation et d'intéressement à mettre en place au Québec;
  6. Élaborer une politique manufacturière mise en œuvre par le gouvernement et Développement Québec;
  7. Définir les contours d'un Grand sommet numérique afin de définir une stratégie numérique et ouvrir la voie à la création d'un Conseil national du numérique et d'un ministère de l'Économie numérique.

Voilà une plateforme qui a le mérite d’avoir de l’ambition, mais qui ferait de l’économie québécoise une économie encore moins libre qu’elle l’est actuellement. En fait, elle serait alors « gérée » d’une façon particulièrement étatiste et interventionniste.

Rappelons aussi que PKP a proposé de doter le Québec d'une politique globale qui intégrerait « dans une politique industrielle le concept de convergence qui a fait le succès des entreprises médiatiques de Québecor grâce au partage de contenus ».

Si l'application de la convergence à son entreprise pouvait avoir du sens, il est fort douteux que cela soit judicieux pour une économie ouverte fondée sur l'interaction volontaire de millions d'êtres humains. C'est d'ailleurs souvent le problème avec les gens d'affaires qui se lancent en politique et qui voudraient « gérer » l'économie de la même façon qu'ils géraient leur entreprise. En effet, une entreprise a des objectifs bien définis et une finalité précise (offrir un rendement à ses actionnaires). Ses employés sont liés entre eux par des contrats d'emploi (qu'ils ont volontairement acceptés) et en vertu desquels ils se rapportent à une hiérarchie de cadres bien établie. Une société, une économie, n'a rien à voir avec ce type d'arrangements, à moins de vouloir sérieusement restreindre la liberté d'action et le pouvoir d'initiative de ceux qui la composent.

Bref, avec ce plan de match, l’économie québécoise irait beaucoup plus dans la direction d’un « capitalisme d’État » que du « néolibéralisme ».

PKP est peut-être de « droite » ou de « centre droit », à vrai dire je n'en sais rien.

Il faut comprendre qu'il existe non pas une droite, mais bien des droites (comme il existe d'ailleurs plusieurs types de gauches). On peut notamment penser à la droite conservatrice, à la droite dirigiste, à la droite libérale classique, à la droite poujadiste (du nom de Pierre Poujade, et qui revendiquait la défense des petits commerçants et artisans, considérés comme mis en danger par le développement des magasins à grandes surfaces), à la droite néoconservatrice ou militariste, etc.

Mais une chose est sûre, PKP n'est absolument pas (pour le meilleur ou pour le pire, selon les points de vue) un « néolibéral ».

Michel Kelly-Gagnon est président et directeur général de l'Institut économique de Montréal. Il signe ce texte à titre personnel.

Lire la chronique sur le site du Journal de Montréal

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