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Textes d'opinion

Les subventions aux voitures électriques : une question de vertu?

Les véhicules électriques ne sont pas seulement « verts », ils sont aussi un symbole de la vertu pour ceux qui se disent écologistes. En conduisant une voiture électrique, on n’émet aucun gaz à effet de serre (GES), on fait donc sa part pour combattre le changement climatique… et on est donc vertueux.

Suivant cette même logique, les subventions gouvernementales aux voitures électriques sont considérées comme vertueuses elles aussi. Ceux qui s’y opposent, comme l’IEDM dans sa plus récente publication, sont alors vus comme des méchants sans cœur qui ne pensent qu’à l’argent et aux profits à court terme. Ils vont sûrement brûler en enfer, ou du moins sur une planète plus chaude.

Mais être rationnel, ce n’est pas la même chose qu’être sans émotions. Au contraire, c’est vouloir que nos bonnes intentions se traduisent par des impacts concrets dans le monde réel.

Pour ma part, je me demande pourquoi ceux qui appuient les subventions aux voitures électriques rejettent une rationalité économique qui leur permettrait d’être 137 fois plus vertueux.

Même si l’on accepte que le changement climatique est un problème grave, et même si l’on est d’accord que les voitures électriques ont des avantages, il est tout à fait cohérent de s’opposer à ces subventions. Car outre des avantages, toute politique publique – toute action humaine, d’ailleurs – a des coûts. C’est seulement en regardant les avantages et les coûts, et en les comparant aux avantages et coûts des autres options disponibles, qu’il est possible de déterminer si une politique ou une action est vraiment vertueuse.

Dans le cas des subventions aux voitures électriques qui existent déjà au Québec, elles n’ont presque aucun effet sur les émissions totales de GES dans la province. Il y a à peine 5000 voitures électriques sur nos routes, dans un parc automobile de 4,5 millions de véhicules personnels.

Pour réduire de seulement 1 % nos émissions, il faudrait plutôt 300 000 voitures électriques. Ce qui nécessiterait des subventions beaucoup plus importantes, comme en Norvège, le pays qui se trouve en tête du peloton pour ce qui est de l’adoption de cette technologie.

Selon les calculs de mes collègues, si le gouvernement du Québec s’y mettait comme le gouvernement de la Norvège s’y est mis pour essayer d’atteindre cet objectif de 1 % de réduction des GES, il faudrait qu’il dépense 12,1 milliards de dollars pour subventionner les voitures électriques. Cela reviendrait à un coût de 1560 $ pour chaque tonne de GES évitée.

Comment se comparent ces coûts et avantages? Pour éviter la production d’une même quantité de GES, le gouvernement québécois pourrait acheter des droits  d’émissions sur la bourse du carbone de la Western Climate Initiative, dont le Québec fait partie, pour la somme de 88 millions de dollars. Le prix d’une tonne de GES sur ce marché est en effet d’environ 11,39 $. Il pourrait ainsi atteindre le même objectif à un coût 137 fois moindre. Oui, vous avez bien lu : 137 fois moins cher, pour atteindre le même objectif!

La réalité, c’est que les voitures électriques demeurent une option très dispendieuse. Cette technologie – ou une autre – pourrait bien sûr s’améliorer et venir vraiment concurrencer les automobiles traditionnelles. Mais pour le moment, ce n’est pas le cas, et le gouvernement n’est pas non plus le mieux placé pour choisir quelles technologies ont les meilleures chances de percer un jour.

Si gaspiller de l’argent est une vertu, alors continuons à subventionner les voitures électriques. Autrement, revenons sur terre et faisons quelques chose d’utile avec les moyens à notre disposition au lieu de poursuivre ce mirage pour pouvoir se prétendre verts et vertueux.

Michel Kelly-Gagnon est président et directeur général de l'Institut économique de Montréal. Il signe ce texte à titre personnel.

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