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Textes d'opinion

Élections : ce dont on ne parlera pas

Pour la majorité des Québécois, les 35 jours de campagne électorale ne seront pas différents du reste de l’année. Outre la pléthore de pancartes souriantes et les bulletins de nouvelles, la vie quotidienne suivra son cours.

Pendant ce temps, chaque parti cherchera à nous convaincre de son «projet de société». Il faut faire des choix collectifs, paraît-il. Ce qu’aucun parti ne dira, c’est que les choix collectifs limitent nos choix personnels à tous, des décisions que vous et moi pourrions très bien prendre pour nous-mêmes.

Par exemple, la santé fera partie des débats, mais les candidats parleront-ils uniquement du financement du système, des conditions de travail et des structures? On ose à peine espérer qu’ils parlent de la réalité des patients qui attendent en moyenne 17,6 heures dans les corridors de l’urgence ou durant quatre mois un rendez-vous avec un spécialiste. C’est comme ça, ils n’ont pas le choix!

AVOIR LE CHOIX

Mais on pourrait leur donner le choix, tout simple, de se faire soigner dans un hôpital ou l’autre, dans le 450 ou dans le 514, ou encore dans une clinique ou un hôpital privé, sans restriction administrative. La carte-soleil paierait pour tout cela, sans discrimination. Pour réduire l’attente, c’est l’approche utilisée en Allemagne, en Suède, en Norvège, au Danemark, en Angleterre, en Italie, en Suisse et dans tant d’autres pays. Donner le choix aux patients transformerait leurs vies, et notre système de santé.

DES DÉBATS OUBLIÉS

Quant aux médecins qui choisissent de travailler dans le privé, ils ne devraient pas être automatiquement exclus du régime public, comme si on voulait les punir de vouloir travailler loin de la bureaucratie étouffante. Au contraire, en leur laissant la possibilité de faire les deux, on conserve leur expertise, et ils auront peut-être d’excellentes suggestions pour améliorer les façons de faire du public.

On peut oublier le débat pourtant essentiel sur les universités québécoises, chroniquement sous-financées, parce que la racine du problème se trouve dans les frais de scolarité. Décrétés par le gouvernement du Québec, ils sont les mêmes pour toutes les universités, pour tous les programmes, mur à mur. Or, il est devenu suicidaire politiquement de même effleurer le sujet. Les frais resteront bas et la qualité comparative de nos universités se détériorera. Vous accepteriez de payer plus cher pour une meilleure qualité d’éducation? Votre seul choix est d’étudier hors du Québec. Les autres seront les otages impuissants (et parfois inconscients) de ce choix «collectif» insensé.

Là où il faudrait vraiment parler de système, et pas de choix personnels, c’est dans le milieu de la construction. Ce que l’un a fait, ce que l’autre a dit, qui a mis quoi dans les bas de qui, ça ne relève que de l’anecdote. Au-delà des entrepreneurs malhonnêtes, des fonctionnaires achetables et des syndicalistes à gros bras, ce sont les procédures d’appel d’offres qui n’encouragent pas la concurrence. Surtout pas la concurrence des entreprises étrangères qui rendrait beaucoup plus difficile d’arranger à l’avance les appels d’offres. Mais ça non plus, on n’en parlera pas.

Youri Chassin est économiste à l’Institut économique de Montréal. Il signe ce texte à titre personnel. * Cette chronique a aussi été publiée dans Le Journal de Québec.

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