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Textes d'opinion

Les superhéros et la langue française

Dans la catégorie « vos impôts font du chemin », on apprenait le 29 décembre que « La Défense investit 14 000 $ pour un sondage sur les superhéros ».

Ce n’est malheureusement pas une blague. Selon l’article, l’étude vise à interroger les gens pour savoir, entre autres, « si les superhéros pouvaient voler dans les airs, voir à travers les murs, entendre des murmures à des kilomètres de distance, devenir invisibles et traverser les murailles. »

Ce serait facile de simplement dénoncer le (fort probable) gaspillage de fonds publics. Mais il y a un problème plus important encore avec cette nouvelle : son titre.

Un « investissement »? Vous voulez rire? Voici comment le Dictionnaire Larousse nous rappelle le sens du concept d’investissement :

— Opération qui permet de renouveler et d’accroître le capital d’une économie.

— Décision par laquelle un individu, une entreprise ou une collectivité affecte ses ressources propres ou des fonds empruntés à l’accroissement de son stock de biens productifs.

— Capitaux, bien investis (par exemple, une machine, un équipement, etc.).

Question : est-ce que l’État qui dépense vos impôts pour fouiller les usages (moins connus) par Wonder Women de son lasso magique, pour savoir si « La Chose » — ce personnage des 4 fantastiques en pierres rouges — peut servir de poutre au pont Champlain, ou pour déterminer si une visite de Mr. Freeze est responsable du refroidissement climatique actuel, correspond à une de ces définitions?

L’abus du mot « investir » dans le titre de l’article, ici, est comiquement évident.

Plus sérieusement, ce type d’abus de langage consistant à définir en tant qu’INVESTISSEMENT ce qui en réalité est une DÉPENSE est généralisé dans les communications gouvernementales. Mais aussi, et c’est le plus inquiétant, dans les médias. La plupart, trop souvent, reprennent systématiquement la formulation sans exercer leur sens critique, que ce soit par ignorance, paresse ou partisanerie.

Dans ce contexte, on ne devrait pas s’étonner que les Québécois aient besoin de super pouvoirs pour y voir clair dans le jeu des politiciens.

Michel Kelly-Gagnon est président et directeur général de l'Institut économique de Montréal. Il signe ce texte à titre personnel.

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