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Textes d'opinion

Cessons de couper les ailes à Air Canada

En mars dernier, la fermeture soudaine et même brutale de l'entreprise d'entretien d'avions Aveos, dont une partie importante des employés travaillaient à Montréal, a créé à juste titre tout un émoi.

C'est dans ce contexte que le gouvernement du Québec a intenté une poursuite judiciaire contre Air Canada pour la forcer à maintenir ses contrats avec Aveos dans leur forme actuelle, ceci en vertu de la loi de 1988 sur la privatisation d'Air Canada.

Mais en cette matière, la voie des tribunaux n'est vraisemblablement pas celle à suivre. En effet, il faut savoir qu'en 2011, à la suite de mises à pied de mécaniciens, un jugement de la Cour supérieure de l'Ontario avait statué qu'Air Canada ne contrevenait pas à la ladite loi de 1988 qui l'oblige à maintenir des centres d'entretien au pays. Le syndicat impliqué dans cette affaire avait d'ailleurs choisi de ne pas porter la cause en appel. Celle-ci fait donc jurisprudence.

Par contre, la logique économique qui découle de la réalité géographique fait qu'il est dans l'intérêt d'Air Canada de faire réparer et entretenir ses avions au pays plutôt qu'à l'étranger. L'entreprise continue d'ailleurs d'exploiter ses propres centres d'entretien à Montréal, Toronto, Winnipeg et Vancouver, où continuent de travailler plus de 2000 mécaniciens.

Ce débat juridique, au-delà des probabilités de victoire de part et d'autre, n'a de toute façon aucun fondement logique sur le plan économique. Mais peut-être à cause de son nom, on a tendance à continuer de percevoir Air Canada comme une société de la Couronne dotée d'un mandat « social » et « national ». Or, ce n'est plus le cas depuis longtemps. Air Canada est une entreprise privée depuis plus de deux décennies déjà. Et comme toute entreprise privée dans un marché concurrentiel, elle doit augmenter sa productivité, réduire les coûts de ses intrants et offrir le meilleur rapport qualité-prix possible à ses clients.

Maintenir un certain nombre d'emplois dans des régions particulières du pays, même si ces emplois ne contribuent pas à ajouter de la valeur aux activités de la compagnie, est peut-être un objectif pertinent pour une société d'État, dont les pertes seront de toute façon épongées par le gouvernement. Mais ça ne peut pas l'être pour une entreprise privée. Pourquoi donc pénaliser Air Canada avec ce type d'exigences irréalistes, qui, d'ailleurs, ne s'appliquent pas à ses concurrents?

Air Canada n'a pas réalisé de profit depuis de nombreuses années. Son régime de retraite accuse un déficit de solvabilité se chiffrant à un spectaculaire 4,4 milliards de dollars.

Quand je mentionne ces difficultés financières, plusieurs personnes invoquent que les dirigeants d'Air Canada seraient « trop » payés. Mais imaginons, à des fins de discussion, que la rémunération totale de ses cinq principaux dirigeants l'année dernière ait été de… zéro dollar (au lieu de 9,8 M$ comme ce fut le cas)! Eh bien, la perte nette d'Air Canada pour 2011 s'en serait trouvée réduite d'un maigre 3,8 %. Bref, à moins de faire de la démagogie, force est de constater que les ennuis financiers fondamentaux de cette entreprise ne sont pas liés à la rémunération de ses principaux dirigeants.

Le recours judiciaire intenté par le gouvernement du Québec n'est qu'un boulet de plus au pied d'Air Canada. Il faudrait, au contraire, trouver des solutions réalistes et économiquement viables afin d'éviter une nouvelle faillite de cette importante entreprise, laquelle faillite serait d'ailleurs probablement fatale, car, contrairement à la dernière fois, il ne resterait plus vraiment d'éléments d'actif intéressants à vendre (comme Aéroplan, par exemple) afin de financer une relance.

Michel Kelly-Gagnon est président et directeur général de l'Institut économique de Montréal. Il signe ce texte à titre personnel.

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