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Textes d'opinion

Devrait-on doubler les prestations des régimes publics de retraite?

De nouvelles règles sont entrées en vigueur en 2012 pour le Régime des rentes du Québec (RRQ) et le Régime de pensions du Canada (RPC). Celles-ci visent principalement à rendre plus avantageux le fait de travailler plus longtemps et de reporter le versement des prestations afin d'assurer la pérennité de ces programmes. Parallèlement, un débat plus fondamental se dessine quant à leur avenir.

Des organisations comme le Nouveau Parti démocratique, le Congrès du travail du Canada et le Centre canadien de politiques alternatives ont récemment proposé de doubler les prestations à recevoir en vertu du RRQ/RPC. Elles prétendent que sans ce changement, la prochaine génération de retraités n'épargnera pas suffisamment et que le taux de pauvreté augmentera chez les personnes âgées. Plusieurs organismes québécois ont également donné leur appui à cette proposition en affirmant que les gens n'ont pas les moyens d'épargner volontairement.

Voilà un exemple typique de pensée magique qu'on observe souvent lorsqu'on discute de nouveaux programmes étatiques. Les citoyens sont trop endettés et ne gagnent pas un salaire suffisant pour épargner en vue de leur retraite? Pas de problème: si on forçait tout le monde à épargner, pouf!, le problème disparaîtrait et les retraités recevraient un chèque deux fois plus généreux du gouvernement.

Dans un cas comme celui-ci, seuls les avantages promis sont mis de l'avant. Pourtant, les lacunes d'une telle proposition sont nombreuses.

D'abord, les régimes publics de retraite sont financés par des « cotisations » ou plus précisément, des taxes. Les travailleurs devront réduire leurs dépenses dans la même proportion si ces taxes augmentent. Le fait que les employeurs paient la moitié des cotisations ne signifie pas que les employés obtiennent cette moitié gratuitement. Les employeurs prévoient un certain budget pour les coûts de main-d'œuvre, qui n'incluent pas seulement les salaires, mais aussi les avantages sociaux et les taxes sur la masse salariale. Si ces dernières augmentent, l'employeur risque de couper ailleurs, comme dans les augmentations de salaire. Les employés finissent donc par payer indirectement l'intégralité de la cotisation.

Ensuite, il est important de rappeler que quand un épargnant investit volontairement des fonds, ceux-ci lui appartiennent, contrairement aux cotisations à un régime public de retraite. Il peut les utiliser à sa guise pour prendre une retraite anticipée ou tardive selon les circonstances. Il peut les léguer aux personnes de son choix. Ce n'est pas le cas avec les cotisations qu'il est forcé de verser à un régime public de retraite, qui ne lui appartiennent plus.

De plus, l'épargnant peut s'il le souhaite faire appel aux services d'un conseiller financier pour que ses investissements tiennent compte de sa tolérance au risque, de sa situation familiale et d'autres facteurs. Comme beaucoup d'autres programmes sociaux, les régimes publics de retraite offrent au contraire un modèle uniforme qui est géré par des bureaucrates redevables aux politiciens plutôt qu'aux prestataires. Ce genre de modèle se préoccupe peu des préférences individuelles.

Finalement, d'un point de vue de politiques publiques, le principal problème des régimes publics de retraite qui ne sont pas pleinement capitalisés est qu'ils s'apparentent à une chaîne de Ponzi. Les prestations reçues ne dépendent qu'en partie des cotisations versées. Pour respecter les promesses faites aux précédentes générations de travailleurs, les travailleurs actuels doivent payer des cotisations en conséquence. Si le nombre de travailleurs est en déclin, si les retraités vivent plus longtemps ou si le régime accuse des pertes, les cotisations doivent augmenter. C'est ce qui s'est produit puisqu'elles sont passées de 3,6 % du revenu brut en 1966 à 9,9 % en 2003.

Je suis conscient que les régimes publics de retraite, malgré leurs désavantages par rapport aux véhicules d'épargne privés, existent dans la plupart des pays développés et ne sont pas près de disparaître. Cependant, une réforme semblable à celle qui a eu lieu au Chili, fondée sur des comptes d'épargne-retraite individuels, aurait au moins pour effet d'atténuer leurs pires défauts.

Cela étant dit, il y a du vrai dans l'affirmation voulant que bon nombre de gens n'épargnent pas assez pour profiter d'une retraite confortable. Toutefois, cette situation s'explique en premier lieu par d'autres interventions de l'État : le fardeau fiscal trop lourd et les taux d'intérêt artificiellement faibles. Ce sont ces problèmes auxquels on devrait s'attaquer si l'on veut que les travailleurs jouissent d'un avenir meilleur, que ce soit à la retraite ou au cours de leur vie active.

Michel Kelly-Gagnon est président et directeur général de l'Institut économique de Montréal.

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