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Textes d'opinion

Écart… de logique

Selon une récente étude de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), les écarts de revenus se sont agrandis dans la plupart des pays développés, y compris au Canada où le revenu moyen des 10 % les plus riches serait 10 fois plus élevé que celui des 10 % les plus pauvres.

À cet effet, le secrétaire général de l’OCDE, Angel Gurría, a déclaré que « La croissance des inégalités est devenue un problème universel ». C’était l’occasion pour que de nombreux commentateurs expriment leur indignation devant pareil « fléau ». Mais si les riches s’enrichissent, peut-on affirmer que les pauvres s’appauvrissent?

Selon les données de Statistique Canada pour le Québec, l’écart entre le revenu total des 20 % les plus riches et celui des 20 % les plus pauvres s’est effectivement accentué de 1995 à 2009. En revanche, il est carrément démagogique de laisser croire que la situation des pauvres s’est détériorée. Véhiculer pareil message, c’est paver la voie à une lutte des classes de laquelle nous sortirons tous perdants.

La réalité, c’est que les pauvres s’enrichissent également. Au Québec, leurs revenus ont augmenté de 16,1 % de 1995 à 2009, contre 21,6 % dans le cas des plus riches. Certes, le rythme d’enrichissement est inégal, mais faut-il y voir nécessairement une injustice?

Selon une étude du Fonds monétaire international, l’essentiel des écarts observés est attribuable aux améliorations technologiques, car ces dernières avantagent les travailleurs les plus spécialisés. Les écarts de revenus reflètent donc les écarts de compétence… comme au hockey! Dans la LNH, on comprend pourquoi Sidney Crosby touche cette saison un salaire dix fois supérieur à celui de Louis Leblanc. Alors, pourquoi s’insurger devant la proportion de 10 pour 1 dans la population en général?

On dit souvent que les pauvres sont moins pauvres dans les sociétés égalitaires. Erreur! Comparons le Québec et l’Alberta. L’écart entre les riches et les pauvres s’est creusé de 22,2 % chez nous, mais de 58,7 % chez nos compatriotes de l’ouest. Les inégalités sont donc nettement plus criantes en Alberta qu’au Québec. Pourtant, les revenus des plus pauvres ont augmenté de 37,6 % en Alberta, contre à peine 16,1 % ici. Vu sous un autre angle, l’écart entre les Albertains les plus pauvres et les Québécois du même groupe a augmenté de 206,7 %… à l’avantage des Albertains. Là, il y a matière à indignation!

Finalement, il faut se méfier de l’usage qui est fait de l’étude de l’OCDE. D’abord, parce que certains l’emploient pour « prouver » que les riches s’enrichissent en détournant des revenus dont les plus pauvres auraient autrement bénéficié. Ils supposent que l’enrichissement est un jeu à somme nulle alors que rien n’est plus faux. La richesse se crée, et les uns peuvent améliorer leur sort sans rien dérober aux autres. Ensuite, parce que ce genre d’étude insiste sur la nécessité d’augmenter le fardeau fiscal et de redistribuer davantage, l’inégalité des revenus étant jugée « immorale ». C’est un point de vue. Toutefois, est-il moral que l’État pénalise la réussite pour permettre à certains de profiter chaque jour un peu plus du labeur, des efforts et des sacrifices des autres? Moi, je dis non. Et vous?

Nathalie Elgrably-Lévy est économiste senior à l'Institut économique de Montréal.
* Cette chronique a aussi été publiée dans Le Journal de Québec
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