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Textes d'opinion

Corruption électorale

On apprenait récemment que la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ) a donné son appui au Bloc québécois. À cet effet, le président de la FTQ, Michel Arsenault, a déclaré que ses « organisateurs politiques, ou ceux qui ont suivi une formation politique seront au service du Bloc pour les prochaines semaines ». Il a également invité très explicitement ses syndicats affiliés ainsi que leurs membres à « soutenir activement les candidats et candidates du Bloc lors du scrutin du 2 mai prochain ».

L’échange de mamours entre le chef bloquiste et le président de la FTQ ne semble faire sourciller personne. Il faut dire qu’il existe maintenant une longue tradition de copinage entre les syndicats et les partis politiques, si bien qu’il apparaît comme un phénomène naturel que nul ne remet en cause. Pourtant, il existe nombre de raisons de s’indigner de la présence des centrales syndicales dans l’arène politique.

Premièrement, est-il approprié que les syndicats demandent à leurs membres de voter pour un parti en particulier? Quand le PDG d’une grande entreprise appuie un candidat, il le fait à titre personnel. S’il lui prenait l’envie d’inviter tous ses employés à voter comme lui, il serait affublé des pires épithètes et serait accusé d’atteinte à la démocratie. Alors pourquoi trouve-ton convenable que Michel Arsenault, le président d’une « business » comptant plus de 500 000 personnes, donne des conseils à ses membres? Seraient-ils incapables de réfléchir par eux-mêmes?

Deuxièmement, est-il éthique et moral que l’argent des cotisations syndicales serve à des fins politiques? Rappelons qu’en raison de la formule Rand, tous les employés d’un milieu syndiqué doivent payer leur cotisation. Or, tous les employés ne partagent pas les mêmes opinions politiques. Pourquoi devraient-ils donc être forcés de contribuer à des actions politiques qu’ils n’approuvent pas nécessairement? Nous n’accepterions jamais qu’une entreprise prélève à la source quelques dollars sur la paie de chacun de ses travailleurs pour soutenir un parti politique, alors pourquoi devrions-nous tolérer que les syndicats le fassent?

Finalement, l’implication des syndicats en politique ne constitue-t-elle pas une forme de corruption? Quand la FTQ donne son appui au Bloc Québécois, croyons-nous vraiment qu’elle n’attend rien en échange? Voyons donc! Aucun syndicat ne mettrait ses ressources à la disposition d’un parti sans compter sur un retour d’ascenseur. Et à en juger par la kyrielle de privilèges dont jouissent les syndicats, soudoyer la classe politique est plutôt rentable. Ils bénéficient, entre autres, d’un Code du travail qui les avantage particulièrement, de l’obligation pour les travailleurs de payer leur cotisation, de cotisations déductibles d’impôt, de prestations de grève non imposables, du vote non secret et d’atouts fiscaux uniques pour leurs fonds (comme le Fonds de solidarité de la FTQ et le Fondaction de la CSN). Dans ce contexte, il n’est pas étonnant que le Québec ait le plus haut taux de syndicalisation en Amérique du Nord!

Obtenir la séparation de l’Église et de l’État a été un processus long et exigeant, mais indispensable à l’évolution du Québec. Aujourd’hui, les syndicats se sont substitués aux hommes en soutane, et ce sont eux qui nous imposent leurs volontés et s’arrogent des privilèges en usant de leur influence sur la classe politique. Le modus operandi des syndicats est contraire aux valeurs de la démocratie, à celles de justice et d’équité dont les Québécois s’enorgueillissent. Le moment est venu d’entamer une autre Révolution tranquille et d’exiger la séparation du clergé syndical et de l’État. Il n’existe aucun autre moyen de sortir le Québec de son immobilisme!

Nathalie Elgrably-Lévy est économiste senior à l’Institut économique de Montréal.
* Cette chronique a aussi été publiée dans Le Journal de Québec.

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