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Textes d'opinion

Hypocrisie syndicale

Le discours syndical en matière de fiscalité est bien connu : il faut augmenter le fardeau fiscal des entreprises, imposer davantage les riches et annuler les baisses d’impôt préalablement consenties. Dans sa brochure Se donner le Québec qu’on veut, la CSN affirme qu’on « exagère en présentant notre niveau fiscal comme un handicap » et que les baisses d’impôt privent « l’État de montants d’argent indispensables pour qu’il assume les différentes fonctions qui lui sont dévolues ».

Dans Un autre Québec est possible, une déclaration de l’Alliance sociale, les chefs syndicaux s’entendent pour réclamer l’équité des mesures fiscales et le resserrement de la fiscalité des entreprises afin de « restreindre l’évitement fiscal et les échappatoires de toutes sortes ». Plus récemment, Réjean Parent, le président de la CSQ, déclarait que l’État a un devoir de justice sociale à l’égard des citoyens, et qu’il doit par conséquent opter pour des « mesures fiscales équitables ».

Justice sociale. Équité fiscale. Personne n’est contre la vertu! On peut donc comprendre que le vocabulaire « progressiste » séduise les gens de bonne volonté. Cependant, les syndicats sont-ils réellement les gardiens de la justice et de l’équité? Sont-ils sincèrement convaincus que la fiscalité est sans conséquence sur la compétitivité des entreprises et le comportement des contribuables?

En cette période traditionnelle de contribution à un Régime enregistré d’épargne-retraite (REER), tout épargnant qui dispose de quelques dollars sait que placer son argent dans le Fonds de solidarité FTQ ou dans le Fondaction CSN procure un avantage unique, soit un crédit d’impôt supplémentaire équivalant à 30 % du placement s’il choisit le fonds de la FTQ, et à 40 % s’il préfère celui de la CSN. Or, pareils avantages sont en totale contradiction avec le discours syndical.

Tout d’abord, les syndicats réclament, à juste titre, l’équité des mesures fiscales. Où est l’équité lorsqu’un contribuable qui souscrit à un REER de la FTQ ou de la CSN bénéficie d’un traitement fiscal nettement plus avantageux que s’il choisit d’investir ailleurs? Certes, les syndicats rétorqueront qu’ils investissent dans des entreprises d’ici. Cet argument est toutefois à rejeter, car les institutions financières proposent des fonds qui offrent des possibilités similaires.

Ensuite, les syndicats dénoncent avec virulence les paradis fiscaux. Or, en offrant aux épargnants un crédit d’impôt supplémentaire, les fonds de la FTQ et de la CSN ne constituent-ils pas une forme de paradis fiscal pour les REER? Si les chefs syndicaux s’indignent par rapport aux réductions d’impôts et aux mesures permettant aux contribuables de réduire leur facture fiscale, ne devraient-ils pas s’indigner tout autant du crédit d’impôt supplémentaire que procurent le Fonds de solidarité et Fondaction? Ce serait pourtant logique puisqu’ils clament sans cesse que les baisses d’impôt privent « l’État de montants d’argent indispensables »? En revanche, s’ils estiment que les crédits supplémentaires sont bénéfiques, s’ils leur trouvent une quelconque vertu, pourquoi ne proposent-ils pas de les étendre à tous les types de REER?

Les syndicats peuvent bien se gargariser de grands principes. Toujours est-il que leurs fonds bénéficient de privilèges spéciaux qui créent des injustices sociales et de l’iniquité fiscale. Les déclarations ronflantes de leurs dirigeants seraient donc plus crédibles s’ils dénonçaient le traitement de faveur dont ils jouissent et s’ils militaient pour que tous les REER donnent droit aux mêmes crédits d’impôt que ceux qu’ils offrent. Après tout, on est solidaire ou on ne l’est pas?

Nathalie Elgrably-Lévy est économiste senior à l’Institut économique de Montréal.
* Cette chronique a aussi été publiée dans Le Journal de Québec.

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