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Textes d'opinion

Crise du capitalisme?

Il y a des phrases toutes faites qui sont répétées ad nauseam d’une tribune à l’autre. Des a priori que tout le monde semble tenir pour des vérités incontestables sans que personne ne juge nécessaire d’en vérifier l’exactitude. En l’occurrence, voilà maintenant deux ans qu’on entend régulièrement dire que la débâcle financière et économique que nous traversons constitue la preuve évidente de l’échec de l’économie de marché, de son caractère insoutenable et de sa fin imminente. Pour plusieurs, le constat est simple et automatique: le capitalisme est en crise!

Pareil diagnostic convient assurément à tous les défenseurs de l’interventionnisme étatique. Il faut toutefois éviter de hurler avec les loups. Il faut plutôt s’interroger sur l’authenticité des propos véhiculés et faire preuve d’esprit critique.

Pour pouvoir accuser le capitalisme d’avoir causé nos déboires économiques, encore faudrait-il que ce système ait été prédominant dans nos sociétés. Certes, des libertés ont été accordées au fil des décennies mais, simultanément, l’intervention de l’État a augmenté de manière soutenue. Au Québec, tout comme dans plusieurs pays à travers le monde, le capitalisme a reculé au cours des cinquante dernières années en faveur de la social-démocratie.

Chez nous, la Révolution tranquille a pavé la voie à de profonds bouleversements: les soins de santé et l’éducation sont devenus la responsabilité de l’État; on a nationalisé l’électricité, on a créé la Régie des rentes du Québec, on a adopté la doctrine keynésienne et on a instauré une panoplie de programmes gouvernementaux d’aide aux particuliers et aux entreprises qu’il serait trop long d’énumérer. Plus récemment, on a adopté l’assurance médicaments, les garderies subventionnées et les congés parentaux. La force syndicale est plus présente et plus puissante que jamais. Le nombre de fonctionnaires atteint un record en dépit de l’attrition, et le poids de l’État dans l’économie a doublé. Le nombre de lois et règlements explose. Avec le système de gestion de l’offre, la Commission des normes du travail, la Régie du logement, du bâtiment, de l’énergie, des alcools, des courses et des jeux, etc., pratiquement aucune activité n’échappe au contrôle de l’État. Même nos habitudes alimentaires intéressent nos élus. Le fardeau fiscal s’alourdit sans cesse et la dette publique est menaçante. Est-ce là le portrait du «libéralisme débridé» et du «capitalisme sauvage» que certains se plaisent à invoquer?

Ce qui précède n’est pas particulier au Québec. La France, la Grèce, l’Espagne et plusieurs pays européens ont fait le choix de l’État-providence et ont permis à une élite de contrôler et de planifier leurs économies sur la promesse de jours meilleurs. Même les États-Unis ont laissé l’État étendre ses tentacules. Or, ces pays éprouvent aujourd’hui de sérieuses difficultés à financer leurs généreux programmes et à maintenir leur système à flots, si bien que certains d’entre eux sont carrément en banqueroute. Partout, le secteur public déraille, et on prétend que c’est le libre marché qui est en crise!? Voyons donc!

La crise est bien réelle, mais elle est celle de l’interventionnisme. La faillite des États, c’est l’expression du fiasco de l’État-providence et du keynésianisme. Même la Suède a compris que son modèle collectiviste est voué à l’échec et a récemment élu un gouvernement de droite! La chute du Mur de Berlin en 1989, puis la dissolution de l’URSS en 1991 ont marqué la fin du communisme totalitaire. Aujourd’hui, nous assistons au déclin du socialisme démocratique. Il fallait s’y attendre. Comme le disait Margaret Thatcher, «le problème avec le socialisme, c’est que l’argent des autres finit toujours par manquer!»

Nathalie Elgrably-Lévy est économiste senior à l’Institut économique de Montréal.
* Cette chronique a aussi été publiée dans Le Journal de Québec.

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