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Textes d'opinion

Une innovation qui se fait attendre

Le réseau québécois de la santé est depuis longtemps l’objet de critiques. Selon le plus récent palmarès des urgences de La Presse, l’Hôpital de Chicoutimi obtient la note B- avec un séjour moyen de 10h00 à l’urgence. Pendant ce temps, des innovations comme la télémédecine existent et se font attendre. L’innovation est une façon d’améliorer l’efficacité du système de santé, de soigner plus de patients, tout en augmentant les choix offerts à ces derniers.

En adoptant des modifications à la Loi sur les services de santé et les services sociaux en novembre 2005, le législateur québécois a été l’un des premiers au Canada, à mettre en place un cadre législatif traitant de la télésanté et à reconnaître que la télémédecine était un moyen approprié de dispenser des services de santé au Québec. Aujourd’hui, deux constats s’imposent: après un démarrage encourageant, le Québec a perdu beaucoup de terrain en télésanté; les initiatives semblent avoir privilégié l’emploi des technologies de l’information à des fins cliniques et les collaborations interprofessionnelles, mais très peu d’entre elles ont porté sur l’offre de services aux patients.

En matière de prestation des soins, on peut déjà constater trois applications fort prometteuses de la télémédecine : i) les consultations téléphoniques, qui donnent la possibilité de discuter avec un médecin pour diagnostiquer les problèmes mineurs et éviter les déplacements inutiles à l’urgence; ii) les cliniques virtuelles, qui permettent aux patients de consulter en temps réel des médecins au moyen d’un ordinateur avec accès Internet et d’une caméra Web; et iii) les télésoins à domicile, qui consistent à transmettre à distance des informations physiologiques aux fins de contrôle et de suivi, surtout pour les patients souffrant de maladies chroniques.

De nombreuses expériences ont été entreprises au cours des quinze dernières années, en Amérique du Nord et ailleurs. Nous avons examiné deux expériences plus en détail: une de l’hôpital public Maisonneuve-Rosemont et l’autre de l’organisme privé sans but lucratif Kaiser Permanente en Californie, pour des patients souffrant d’une maladie pulmonaire chronique. Dans les deux cas, les télésoins à domicile ont permis aux infirmières de s’occuper de davantage de patients en prodiguant des soins d’aussi bonne qualité. Cela a permis de diminuer substantiellement les coûts, une fois l’équipement amorti. On a observé des réductions de coûts allant de 13 % dans le cas de Maisonneuve-Rosemont à 42 % chez Kaiser Permanente.

En raison des caractéristiques qui lui sont propres, le secteur privé est en général bien plus énergique dans la recherche de moyens de faire plus avec moins. Un exemple aussi simple que la prise de rendez-vous illustre cette réalité: aux États-Unis, des entreprises comme ZocDoc offrent la recherche en ligne de médecins généralistes ou spécialistes et la prise de rendez-vous, souvent le jour même. De même, le secteur privé américain a vu rapidement les avantages de la télémédecine et de nombreuses entreprises la pratiquent depuis longtemps, alors que le secteur de santé public au Canada n’en est qu’à ses premiers balbutiements dans le domaine.

Devoir attendre pour se faire soigner occasionne de nombreux coûts: perte de productivité, détérioration de l’état de santé du patient, hausse de la mortalité, etc. On a souvent tenté d’améliorer le système de santé québécois, de le rendre plus efficace et d’en faciliter l’accès. Toutefois, les ajustements apportés au modèle actuel ne donnent pas les résultats escomptés. Les nouvelles technologies ont permis une augmentation notable de la productivité dans bien des domaines et peuvent aussi être mises au service de l’offre de soins.

Les systèmes de santé publics manquent souvent d’incitations à innover. Pourtant, dans un contexte de coûts croissants, d’accès difficile aux médecins de famille et d’engorgement des urgences, les occasions qu’offre la télémédecine mériteraient d’être prises en considération.

Nathalie Elgrably-Lévy est économiste sénior à l’Institut économique de Montréal (IEDM) et chargée de formation à HEC Montréal. Germain Belzile est directeur de la recherche à l’IEDM.

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