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Textes d'opinion

Cessons de sauver les riches

Depuis 2002, 65% de toute la richesse créée aux États-Unis a fini dans les poches des 1% plus riches, selon une étude. Qui sont ces fortunés? Beaucoup travaillent dans le secteur financier à Wall Street. Depuis des années, des courtiers y font rugir des Maserati à chaque coin de rue. Les complets à 3 000 $ se pavanent dans les tours à bureaux, et le bordeaux coule à flots. Arrive la crise économique et… surprise! La plupart de ces nouveaux riches ne méritent pas leur Maserati, ni leurs complets. Les profits étaient seule­ment sur papier. La plupart des banques croulent sous les dettes. Leurs PDG ont pris trop de risques et se sont plantés.

Dans un vrai libre marché, ces cow-boys perdraient leur fortune. Mais le gouvernement américain intervient en les renflouant à coups de milliards de dollars. On endette les citoyens ordinaires – qui gagnent à peine 40 000 $ par an – pour éviter la faillite au gratin de Wall Street (qui se verse des millions en bonis pour fêter ça).

En évitant aux riches de tout perdre – en court-circuitant le «nettoyage» naturel de l’économie –, le gouvernement maintient les écarts de richesse. À chaque crise, c’est pareil: aux États-Unis comme ailleurs, l’État sauve systématiquement les entreprises qu’il juge «trop grosses pour tomber», et leurs actionnaires.

Libre marché? Mon oeil.

Dans un vrai libre marché – le vrai capitalisme –, on récompense le succès ET on punit les échecs. Pas de sauvetages aux frais des contribuables. Vous avez échoué? Le bureau de chômage vous attend. Les pauvres ne paient pas pour les erreurs des riches.

Cette année, la banque JP Morgan a déjà embauché plus de 2 000 nouveaux diplômés. Grâce au soutien de l’État, Wall Street revit. Est-ce une bonne chose pour la société? Le secteur financier employait 5% des diplômés MBA de Harvard en 1972. Aujourd’hui, il en accapare 45%. Des milliers de jeunes cerveaux érigent des modèles algébriques complexes pour mieux vendre de la glace aux Eskimos, au lieu de travailler à découvrir des sources d’énergie moins polluantes ou un remède au cancer. Si l’État peut se tasser du chemin et laisser ce secteur rétrécir, ces cerveaux deviendront disponibles.

Ceux qui pestent contre les grandes banques, Wall Street ou les écarts de richesse ont de bonnes raisons de le faire. Mais ne blâmez pas le «libre marché». Blâmez le curieux système dans lequel nous vivons. Où l’État se mêle de tout, et prend aux pauvres pour donner aux riches.

David Descôteaux est chercheur à l’Institut économique de Montréal.

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