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Textes d'opinion

Un dialogue crucial – Le Québec aurait tort de maintenir une attitude négative envers l’Alberta

La richesse ontarienne a longtemps été une bête noire de beaucoup de Québécois. Si l’industrie ontarienne était si florissante, entendait-on souvent, c’était parce qu’elle était injustement favorisée par Ottawa et qu’elle se développait sur le dos du Québec.

En réalité, l’économie québécoise a toujours grandement profité de nos relations avec notre plus gros partenaire commercial. Et ce sont les Ontariens qui ont longtemps subventionné le Québec et les autres provinces pauvres, pas le contraire.

Aujourd’hui, ce sont les Albertains et leurs sables bitumineux qui sont la cible de cette malencontreuse attitude négative, entretenue au plus haut niveau non seulement par Gilles Duceppe mais par le premier ministre Charest lui-même depuis le sommet de Copenhague. Une attitude qui s’appuie elle aussi sur des mythes et qui ne contribue en rien à la défense des intérêts du Québec.

Tant au plan environnemental qu’économique, les Québécois n’ont en effet aucune raison de lever le nez sur les sables bitumineux d’Alberta. Ceux-ci ne produisent qu’environ 5% des GES au Canada, alors que les activités agricoles comptent directement pour 7%. Est-ce une raison pour démoniser nos agriculteurs?

D’autre part, le secteur des transports est le plus grand émetteur de et compte pour 25% des émissions totales au Canada. Personne ne suggère pourtant qu’on interdise les voitures et les camions, les avantages qu’ils procurent étant trop évidents. On cherche plutôt, à juste titre, à améliorer leur performance énergétique et environnementale. De la même façon, l’exploitation des sables bitumineux a d’incontestables avantages économiques.

Par exemple, en 2009, les citoyens et les entreprises de l’Alberta ont contribué pour 40 milliards $ en impôts et taxes au gouvernement fédéral et n’ont reçu que pour 19 milliards $ de biens et services. Le reste, soit 21 milliards $ – c’est-à-dire la somme de 5742 $ pour chaque homme, femme et enfant albertains – s’est retrouvé ailleurs au pays. Le gouvernement du Québec a ainsi reçu huit milliards $ en paiements de péréquation, ce qui lui permet d’offrir des programmes sociaux plus généreux que ceux que les Albertains eux-mêmes reçoivent.

Les investisseurs ont fait l’an dernier d’excellentes affaires à la Bourse grâce au pétrole et au gaz, qui représentent à eux seuls le quart de la valeur du TSX. De plus, selon un rapport du Canadian Energy Research Institute, les sables bitumineux fourniront 292 000 personnes-années de travail au Québec au cours des prochaines 25 années. Au total, on estime que l’exploitation pétrolière albertaine ajoutera 1700 milliards $ au PIB canadien durant la période d’exploitation.

Au lieu de mettre en péril ces avantages, une attitude plus conforme à nos intérêts mutuels serait de tenter de comprendre les défis environnementaux auxquels sont confrontés les Albertains et de les appuyer dans leurs tentatives de les surmonter. La nomination récente d’un Québécois à la tête du ministère fédéral des Ressources naturelles permettra peut-être d’avancer dans ce sens.

Par ailleurs, les dirigeants politiques québécois feraient bien de délaisser les déclarations politiques populistes à courte vue car le Québec pourrait bien lui-même devenir un jour un producteur pétrolier non négligeable. La prospection pétrolière dans le Golfe du Saint-Laurent a en effet un potentiel aussi prometteur que sur le plateau continental de Terre-Neuve où se trouve le gisement Hibernia, dans la même formation géologique.

Les Albertains ont été pendant des décennies des alliés naturels du Québec. Au cours des mois et des années qui viennent, il faudra engager un dialogue constructif et réaliste avec eux, auquel je compte personnellement contribuer à cause de l’impact crucial que cela aura sur notre économie.

Michel Kelly-Gagnon est président et directeur général de l'Institut économique de Montréal.

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