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Textes d'opinion

La petite poule rousse

Je voulais vous parler d’impôts et de fiscalité. Mais c’est ennuyeux à mourir. Je vais plutôt vous parler de cochons, de vaches, et d’une petite poule rousse.

Le gouvernement est dans le rouge. Pour renflouer ses coffres, certains, dont plusieurs députés du Bloc québécois, suggèrent d’imposer davantage les riches. Je suis d’accord avec l’idée que les mieux nantis redistribuent une part de leur richesse aux citoyens moins choyés par la vie. Mais abuser de cette politique peut nuire à notre économie – et aux moins nantis que l’on souhaite aider.

Pour illustrer cette réalité, je me suis inspiré d’un conte écrit en 1976 par l’ancien président américain Ronald Reagan, et toujours d’actualité:

LA PETITE POULE ROUSSE DES TEMPS MODERNES

Il était une fois une petite poule rousse qui gratta le sol près de la grange, jusqu’à ce qu’elle trouve quelques grains de blé. Elle appela ses voisins, et leur dit: «Si nous plantons ces grains, nous aurons du pain à manger. Qui m’aidera à les planter?»

«Pas moi», dit la vache.
«Pas moi», dit le canard.
«Pas moi», dit le cochon.
«Pas moi», dit l’oie.

«Alors, je le ferai», dit la petite poule rousse. Et elle le fit. Le blé poussa et mûrit, jusqu’à devenir bien doré. «Qui m’aidera pour la récolte?», demanda la petite poule rousse.

«Pas moi», dit le canard.
«Cela ne correspond pas à ma formation», dit le cochon.
«Je perdrais mes années d’ancienneté», dit la vache.
«Je perdrais mes allocations de chômage», dit l’oie.

«Alors, je le ferai», dit la petite poule rousse. Et elle le fit. Enfin vint le moment de faire le pain. «Qui m’aidera à faire le pain?», demanda la petite poule rousse.

«Cela m’obligerait à faire des heures supplémentaires», dit la vache.
«Je perdrais mes avantages sociaux», dit le canard.
«Mon syndicat me l’interdit», dit le cochon.
«Si je suis la seule à participer, ce ne serait pas socialement juste», dit l’oie.

«Alors, je le ferai», dit la petite poule rousse. Elle fit cinq miches de pain, et les montra à ses voisins. Tous en voulaient, et demandaient leur part. Mais la petite poule rousse leur dit: «Non, je peux les manger toute seule.»

«Profiteuse», cria la vache.
«Sale capitaliste», hurla le canard.
«Je demande le respect de mes droits», ajouta l’oie.
Et le porc se mit à grogner…

Ils peignirent le mot «Injustice» sur des banderoles, et manifestèrent contre la petite poule rousse, lui criant au passage des obscénités. Quand un agent du gouvernement vint, il dit à la petite poule rousse:

«Tu ne dois pas être aussi cupide.»
«Mais j’ai gagné ce pain», dit la petite poule rousse.
«Exactement, dit le fonctionnaire. C’est ce qu’il y a de merveilleux avec le système de libre entreprise. Tout le monde à la ferme peut travailler, et gagner autant qu’il le veut. Mais selon les règles de gouvernements modernes, les plus productifs doivent partager leur production avec les paresseux.»

Et ils vécurent tous heureux ensuite, y compris la petite poule rousse, qui dut dire poliment au fonctionnaire: «Je suis reconnaissante, je suis reconnaissante.»

Mais ses voisins, encore à ce jour, se demandent pourquoi elle ne fit plus jamais de pain.

*****

Pour chaque dollar qu’un Québécois «riche» gagne au-delà des premiers 82 000$, l’État lui en confisque la moitié en impôts. Si on augmente encore plus ces impôts, croyez-vous qu’on le motive à rester au bureau pour bûcher une heure de plus? À se casser la tête huit ans à l’université pour devenir médecin ou ingénieur? Sûrement pas. Résultat: On crée moins de richesse en tant que société, richesse qu’on pourrait distribuer aux plus pauvres.

Pour finir, un petit rappel: au Québec, environ 169 000 contribuables – à peine 3% du total – déclarent un revenu de 100 000$ et plus. À eux seuls, ils payent autant en impôts que les 80% qui gagnent moins de 50 000$ par année.

On n’aime pas tous les poules rousses. Mais on a tous besoin de leur production. Gardons cela en tête avant d’implanter des solutions démagogiques, mais ruineuses.

David Descôteaux est économiste à l’Institut économique de Montréal.

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