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Textes d'opinion

C’était prévisible!

Les lecteurs habitués à lire cette chronique savent que j’ai régulièrement dénoncé les plans de relance. Je les trouve inutiles, voire contreproductifs. En janvier dernier j’avais déclaré que «quand nous constaterons l’échec des plans de relance, nos bien-pensants argueront que nous n’avons pas dépensé suffisamment, qu’il faudrait en faire davantage».

C’est exactement ce qui se produit actuellement! Récemment, le directeur parlementaire du budget, Kevin Page, déclarait que le plan de relance du gouvernement fédéral exercerait un effet modeste sur l’emploi, la production, et les revenus des Canadiens. Chez nos voisins du sud, Washington reconnaît, du bout des lèvres, certes, que le plan de relance de 787 milliards ne semble pas répondre aux attentes. L’économie tarde à renouer avec la croissance, et le taux de chômage atteindra bientôt 10%. Même son de cloche chez les dirigeants du G8 qui déclarent de concert que les multiples mesures de relance n’ont pas encore produit les effets escomptés. Comme on pouvait s’y attendre, des voix s’élèvent de partout pour réclamer une intensification des efforts de relance.

Que les plans de relance soient stériles n’est pas surprenant. C’est leur efficacité qui aurait été étonnante. Ils s’inscrivent dans la logique keynésienne selon laquelle les dépenses constituent le moteur de l’économie. On part du principe que si Pierre dépense, Paul obtient un revenu. Et lorsque Paul dépensera à son tour, il procurera à Jean une rentrée d’argent qui lui permettra de consommer, etc. Toujours selon la même logique, les récessions se produisent lorsque les individus réduisent leurs achats, d’où la nécessité pour l’État de prendre la relève. Dépenser, voire s’endetter, serait nécessaire pour «faire rouler l’économie» et s’enrichir.

Or, cette prémisse est fausse. Au niveau individuel, personne ne peut faire fortune en vivant au-dessus de ses moyens, en consommant de manière compulsive sans jamais mettre d’argent de côté, et en payant des intérêts sur un actif qui se déprécie. Pour s’enrichir, il faut dépenser en fonction de son revenu, épargner, faire fructifier son argent, et acquérir du capital productif. C’est le gros bon sens! Et comme une société n’est qu’un regroupement d’individus, ce qui est valable pour une personne ou une famille, l’est nécessairement pour la collectivité.

Les plans de relance keynésiens ne fonctionneront jamais tout simplement parce qu’ils défient le gros bon sens. D’ailleurs, s’ils produisaient réellement un feu d’artifice économique, pourquoi ne doublerait-on pas les sommes en jeu? Pourquoi Washington refuse-t-il d’adopter un second plan de relance comme le réclament certains? Pourquoi se contenter de mesures ponctuelles alors qu’on pourrait les reconduire annuellement et ainsi éviter les ralentissements? Si la consommation est effectivement le moteur de l’économie, pourquoi ne pas envoyer tout simplement un chèque de 50 millions $ à chaque citoyen qui le dépensera pour satisfaire tous ses caprices? Et, surtout, pourquoi les mesures adoptées semblent-elles vaines?

Certains affirment que l’économie se portera mieux dans quelques mois, qu’il faut être patient. Quelle révélation! Statistiquement, les récessions durent entre 6 et 24 mois. Avec et, surtout, sans intervention massive de l’État, l’orage finira par passer. Toutefois, ceux qui ont adopté d’ambitieux plans de relance se trouveront avec une dette colossale à rembourser, ce qui prolongera la récession et ralentira la reprise.

John Maynard Keynes se plaisait à dire: «À long terme, nous serons tous morts.» Il avait raison! En mettant en pratique ses recommandations, nous mourrons tous… ensevelis sous une montagne de dettes!

Nathalie Elgrably-Lévy est économiste senior à l’Institut économique de Montréal.

* Cette chronique a aussi été publiée dans Le Journal de Québec.

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