fbpx

Textes d'opinion

Déficit et croissance ne font pas bon ménage

En réaction à la crise économique qui se répand, plusieurs gouvernements sont tentés de recourir au déficit pour stimuler l’économie. Pourtant, non seulement les effets bénéfiques présumés de ces politiques n’arrivent habituellement que trop tard, mais le caractère improvisé du bouquet des mesures proposées risque également de générer beaucoup de gaspillage et d’amener les entreprises à s’occuper davantage de leurs députés que de leurs marchés.

Il est indéniable que les gouvernements ont un rôle clé dans le développement et le maintien des infrastructures publiques – qui ne peuvent être financées efficacement par la tarification – dans l’éducation, la formation professionnelle et la formation continue, entre autres. Mais leur responsabilité en cette matière n’est pas plus grande en période de ralentissement économique. On doit peut-être se réjouir du fait qu’à défaut d’avoir bien rempli leur rôle de gardiens du bon état des infrastructures, les gouvernements se réveillent en période de ralentissement économique et s’y mettent enfin. Mais leur réveil soudain apparaît surtout comme un indicateur de mauvaise gestion.

L’équation qui relie déficit public et croissance économique est pour le moins floue, et le lien entre les deux, très discutable. Pour s’en convaincre, considérons l’expérience canadienne des années 1990.

De 1990 à 1995, le déficit budgétaire du gouvernement canadien s’est élevé en moyenne à 5% du PIB, déjà une amélioration importante par rapport aux cinq années précédentes. De 1997 jusqu’à aujourd’hui, ces déficits ont fait place à des surplus. Que sait-on de l’impact de ce renversement, plutôt exceptionnel parmi les pays de l’OCDE, sur la croissance?

Dans la décennie des grands déficits, de 1985 à 1995, le Canada a eu une croissance du PIB réel par habitant nettement inférieure à celle du Japon, du Royaume-Uni, de l’Italie, des États-Unis et de la France. Pour la période des surplus budgétaires de 1997 à 2002, les résultats du Canada ont surpassé ceux de tous ces pays.

Au chapitre de la création d’emplois, le Canada a également surpassé ces autres pays de 1994 à 2004 et l’écart entre le taux de chômage canadien et américain a chuté de manière importante, passant de 4,2 points de pourcentage en 1993-1996 à 1,5 point en 2003-2005. Pendant ce temps, le taux de participation de la main-d’œuvre et le taux d’emploi augmentaient tous les deux de manière importante au Canada par rapport aux États-Unis.

De ces observations, certes trop partielles, on peut au moins conclure que l’élimination de ses déficits chroniques a permis au Canada d’améliorer sa performance économique par rapport aux pays à déficits budgétaires importants.

Face à la crise, une stratégie de déficit budgétaire, de protectionnisme et de subventions à tout vent risque de faire bien plus de mal que de bien. Mieux vaut une stratégie qui favorise l’ajustement nécessaire et efficace des prix, des marchés et du tissu industriel, et qui laisse les entreprises se préparer à la reprise: une médecine exigeante, mais qui remettra le malade sur pied de manière durable.

Marcel Boyer est vice-président et économiste en chef de l’Institut économique de Montréal.

Back to top