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Textes d'opinion

L’impossible désaccord sur Doha

Le sort des négociations commerciales du cycle de Doha se jouera autour d’un accord prometteur, mais toujours partiel et fragile, entre les pays du Groupe des sept (États-Unis, Union européenne, Brésil, Inde, Australie, Chine, Japon). Les négociations se poursuivront exceptionnellement encore quelques heures.

L’objectif immédiat de ce projet d’accord éventuel, qui devra être complété par des accords sur les services et les règles et être ratifié par l’ensemble des membres de l’OMC, est de convenir de l’ampleur et des modalités de la réduction des droits de douane sur des milliers de produits industriels et agricoles et des niveaux futurs des subventions agricoles à effets de distorsion.

L’accord proposé amènerait des baisses significatives des subventions agricoles dans les pays développés: baisse de 70% aux États-Unis, à 14,5 milliards de dollars, de 80% dans l’Union européenne, à 37,7 milliards de dollars, de 50% à 60% pour le Canada, et leur disparition d’ici 2013. Les divers pays, en particulier les pays en développement, seraient autorisés à maintenir une certaine protection pour des produits dits «fragiles» ou «sensibles», mais de manière limitée afin que les pays ne puissent se soustraire à l’obligation de la baisse générale des tarifs sur les produits agricoles et industriels.

Les propositions de ce projet d’accord ont soulevé beaucoup de critiques, même de la part de certains pays qui y ont apporté un appui conditionnel. Il fallait s’y attendre.

Dans tous les pays, les groupes d’intérêt, opposés à cet accord éventuel sur la baisse généralisée des droits de douane et des subventions, en particulier celles accordées à l’agriculture dans les pays riches, continuent à détenir un pouvoir politique bien plus considérable que celui de la majorité silencieuse qui a tout à gagner par la baisse des barrières au commerce. C’est le cas au Canada, le grand absent du Groupe des sept. Son double discours, favorable au développement du commerce mais aussi défenseur, contre toute logique, de ses institutions dépassées de mise en marché et de gestion de l’offre servant les intérêts de puissants lobbys agricoles, l’exclut de la cour des grands.

Une plus grande ouverture au commerce favorise, tant dans les secteurs agricoles que dans les secteurs industriels et tant dans les pays développés que dans les pays émergents et les pays en voie de développement, de meilleurs profils de production, de commercialisation et de consommation grâce à la vérité des prix concurrentiels. Les règles et les contraintes du commerce international sont globalement créatrices de richesse et de bien-être pour les populations, et ce, de trois façons: elles forcent les entreprises à innover et à augmenter leur productivité pour devenir plus concurrentielles, elles limitent les pouvoirs discrétionnaires des gouvernements, en particulier pour la manipulation des prix et des marchés, et elles réduisent la rentabilité des activités des groupes de pression privés, et ce, pour le plus grand bénéfice des populations en général.

Il faut espérer que l’actuel cycle de négociations se conclura par une libéralisation significative du commerce international, et ce, pour le mieux-être des populations de tous les pays, en particulier celles des plus pauvres et des plus fragiles.

Marcel Boyer est vice-président et économiste en chef de l’Institut économique de Montréal, titulaire de la Chaire Bell Canada en économie industrielle à l’Université de Montréal, et Fellow du CIRANO.

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