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Textes d'opinion

Aides fiscales aux régions ressources: oui, mais…

Lorsque le comité présidé par l’économiste Robert Gagné a recommandé de réviser à la baisse le programme d’aides fiscales aux régions ressources, les gens d’affaires de la Beauce ont applaudi; tandis que ceux de la Gaspésie et de l’Abitibi ont protesté.

Depuis 2001, certaines catégories d’entreprises de sept régions ressources peuvent réclamer des crédits d’impôt équivalent à 30% de leur masse salariale. But: promouvoir la création d’emplois dans des régions éprouvées par le chômage.

Mais tout comme plusieurs interventions gouvernementales bien intentionnées, celle-là a produit des effets pervers. Par exemple, un fabricant situé à Ste-Marie-de-Beauce n’a pas droit à un crédit d’impôt, mais son concurrent implanté de l’autre côté de ligne de démarcation administrative, dans le Bas-Saint-Laurent, peut en bénéficier. Grâce à ses coûts de main-d’oeuvre subventionnés, le second pouvait rafler des contrats au premier. D’un point de vue pan québécois, un tel résultat ne crée pas d’emplois: c’est du transfert.

Au total, les aides fiscales aux régions ressources ont couté 112 millions $ en 2006. Ce sont des dépenses fiscales payées par l’ensemble des contribuables qui s’opposent rarement à ce genre de mesure. L’économiste américain Mancur Olson (1932-1998) a expliqué le phénomène: les gouvernements font l’objet de pressions intenses de la part d’associations industrielles sectorielles et de groupes professionnels bien organisés qui militent pour des subventions ou des mesures protectionnistes. Par contre, les millions de contribuables ou de consommateurs, qui assument le coût de ces politiques, ne s’organisent par pour s’y opposer. Pour eux, le jeu n’en vaut pas la chandelle. Souvent, ils n’ont même pas conscience d’être les vaches à lait des lobbies.

Mais pas dans ce cas ci. Les aides fiscales aux régions ressources ont fait des victimes concentrées dans les régions limitrophes, comme Chaudière-Appalaches et la Beauce. Des entreprises dans ces régions se sont coalisées pour faire échec à la mesure. Robert Dutil, qui fut ministre dans le gouvernement Bourassa, est allé jusqu’à fonder un parti politique voué à cette cause. Cette coalition qui a poussé le gouvernement à créer un comité pour revoir cette poolitique.

Les recommandations du rapport Gagné auraient pour effet de supprimer les pires distorsions causées par les aides fiscales aux régions ressources. Mais pas plus. Le rapport propose de maintenir une aide fiscale aux PME manufacturières des régions ressources jusqu’en 2015, mais en remplaçant les crédits d’impôt associés à la masse salariale par un crédit d’impôt à l’investissement.

De 1998 à 2005, la croissance annuelle de la productivité dans le secteur manufacturier a été en moyenne de 3,5% dans les régions urbaines et de seulement 0,2% dans les régions ressources. Ces régions ont besoin d’investissements et non d’une création d’emplois artificielle, particulièrement si l’on tient compte de la rareté croissante de la main-d’oeuvre spécialisée.

Le rapport Gagné propose aussi de fixer le niveau d’aide selon la distance par rapport aux grands centres urbains. Le crédit d’impôt à l’investissement serait disponible pour les PME manufacturières à un taux de 40% dans la zone la plus éloignée et à 20% dans la zone intermédiaire. Deux fabricants d’un même produit recevraient ainsi une subvention fiscale différente selon leur emplacement.
Bref, les recommandations du rapport Gagné représentent un petit pas dans la bonne direction, mais la route vers une politique fiscale dépourvue d’effets pervers sera encore longue!

Paul Daniel Muller est président de l’Institut économique de Montréal.

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